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qui avait rencontré les paysans embusqués des deux côtés du chemin et qui revenait en pleine déroute. À cette nouvelle, la consternation se répandit dans la cité : passant, comme il arrive toujours, de l’extrême confiance à l’extrême terreur, les habitans coururent aux armes ; ils croyaient voir déjà la population des campagnes aux portes, et chacun songea à défendre sa vie et son bien. On exhaussa les murs avec des fascines et des sacs de terre ; quelques bourgeois firent même transporter des pavés dans leurs greniers, résolus à se défendre jusqu’à la dernière extrémité, et à faire de Bâle, en cas d’assaut, une nouvelle Saragosse. Heureusement, tous ces préparatifs furent inutiles. Les pourparlers recommencèrent, et la querelle se termina enfin par la séparation de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne. L’épargne que les paysans croyaient immense, et dont on leur avait annoncé le partage comme prime d’encouragement pour l’insurrection, se trouva contenir peu de chose et fut divisée entre les deux nouveaux cantons sans enrichir personne.

Du reste, la séparation a été plus avantageuse que nuisible à Bâle-Ville. Son gouvernement en a été simplifié et délivré de mille embarras, sans cesse renaissans ; elle a vu, par contre-coup, s’accroître sa prospérité matérielle. Il est remarquable que depuis cette séparation, son budget des recettes, au lieu de subir une forte réduction comme cela eût semblé naturel, s’est légèrement accru. Ce budget, du reste, ne monte guère à plus de 150,000 francs. Quelque minime que soit cette somme, elle suffit au petit conseil pour entretenir une bibliothèque, un musée, une université, et pour subvenir à toutes les dépenses relatives aux voies de communication, aux ponts, aux édifices publics, etc. Les recettes se composent presque uniquement d’un impôt personnel, égal au centième du revenu. Chaque citoyen constate lui-même, sous la foi du serment, la quotité de ce revenu. Les commerçans paient tant pour cent, non sur les bénéfices qu’ils ont réalisés, mais sur la valeur brute des affaires qu’ils ont faites dans l’année.

Mais si le gouvernement de Bâle-Ville fait preuve d’une grande habileté, en revanche celui de Bâle-Campagne montre aussi peu d’expérience que de tenue. Livré à des intelligences étroites, à des vanités rancuneuses et tracassières, il manque également de sens et de convenance. Depuis les démêlés survenus entre la France et lui, relativement à la capacité des juifs pour posséder, il n’a cessé d’exprimer son hostilité à notre gouvernement, de la manière la plus grossière. L’unique et ridicule journal qui se publie dans Bâle-Campagne, est habituellement rempli d’injures contre Louis-Philippe (qui pour eux est la France), injures telles qu’aucune presse parisienne ne voudrait en imprimer. On jugera du reste du bon goût qui préside à la rédaction de la feuille de Bâle-Campagne,