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LITTÉRATURE ORIENTALE.

de son propre mouvement, chercher auprès du nabab des secours pour Chandernagor attaqué. Blessé de soupçons insensés, il part seul, à pied, de Chandernagor pour Pondichéry, avec le paquet qu’il avait en quittant Paris, ses deux chemises, sa Bible et son Montaigne ; il part pour faire quatre cents lieues du nord au sud, à travers un pays par où jamais Européen n’avait passé, comptant faire ensuite à peu près autant de chemin du sud au nord, pour aller à Surate trouver les disciples et les livres de Zoroastre.

À Surate, de nouvelles difficultés l’attendaient auprès des destours ou prêtres parses. Ils lui donnèrent d’abord des textes incomplets et mutilés pour le texte véritable de Zoroastre. Jamais il ne put tirer d’eux une connaissance un peu approfondie du zend, et M. E. Burnouf en a plus appris à lui tout seul sans sortir de Paris et sans autre secours que sa sagacité, et des inductions tirées de la comparaison des langues, qu’Anquetil à Surate, parmi les parsis, malgré les leçons du fameux mobed Darab. Plusieurs fois malade, et, pendant une convalescence, assassiné en plein jour de trois coups d’épée et de deux coups de sabre, Anquetil poursuivit ses études et ses recherches avec une ardeur que rien ne put ralentir. Enfin il partit pour l’Europe, emportant la portion des livres de Zoroastre que les Guèbres ont conservée, après en avoir fait, à l’aide de l’interprétation des prêtres et docteurs parses de Surate, une traduction sur laquelle je reviendrai. Le vaisseau qui portait toutes ces richesses fut au moment de périr, et après la traversée la plus pénible, Anquetil débarqua en Angleterre, prisonnier de guerre. Enfin, le 15 mars 1762, il déposa à la Bibliothèque royale le texte zend de Zoroastre, conquis au prix de tant de périls. C’est ce texte que M. Burnouf a publié dans son entier, et dont il a commencé à déchiffrer et à commenter une partie.

La traduction d’Anquetil, qui parut en 1771, était loin, comme on le verra dans la suite de cet article, d’être complètement satisfaisante. Mais telle qu’elle était, sa publication, et surtout l’acquisition des textes donnés par Anquetil à la Bibliothèque royale, était un immense service rendu aux lettres orientales. Celui à qui on en avait l’obligation, pour récompense de ses peines, de ses dangers, de son courage, fut persiflé dans une petite brochure, du reste assez spirituelle, écrite en français par un homme duquel on