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presque deviner et construire le mot haut-allemand, bas-allemand, saxon, islandais, le mot du xiie siècle ou du xviiie, et de même pour les formes grammaticales et la syntaxe. Admirable simplification ! Par elle les idiomes d’une même famille sont comme les dialectes d’une même langue ; on peut apprécier l’âge de chacun d’eux à certains signes, comme l’âge d’une plante et d’un animal. Enfin, on peut de son état actuel remonter avec certitude à son état ancien, ou présager son état futur ; ainsi, en voyant un astre dans le ciel, on sait par quel point il a passé et quelle courbe il accomplira.

Une fois le principe de la comparaison philosophique des langues découvert et appliqué en grand à une famille importante, la famille germanique, il devait prendre plus d’extension et embrasser un plus grand nombre d’idiomes. Les ressemblances générales de l’ancien dialecte de l’Inde, du sanscrit avec le grec et le latin, du grec et du latin avec les langues germaniques et slaves, avaient déjà été mises hors de doute par le simple rapprochement des vocabulaires et des grammaires. Le fait de cette ressemblance, reconnu en partie par le père Paulin de Saint-Barthélemy, fut établi d’abord par M. Frédéric de Schlegel[1], qui, le premier dans ce siècle, attira les yeux de l’Allemagne sur l’Inde ; Guillaume de Humboldt[2], qui partageait avec son frère le domaine des connaissance humaines ; Bopp, qui a entrepris de faire, pour toutes les langues indo-européennes, ce que Jacob Grimm a fait pour les langues germaniques[3]. Enfin, le Danois Rask qui, semblable à Anquetil par son dessein et son courage, a été aussi chercher dans l’Inde les livres de Zoroastre, Rask a, l’un des premiers, jeté les bases d’une comparaison philosophique des langues gréco-latines, germaniques et slaves[4]. Tous ces travaux sont nés du même mouvement, de la même direction des esprits. Avant la fin de ce siècle, presque toutes les langues de l’Europe qui possèdent une littérature, les langues de l’antiquité et une portion des langues de l’Orient, pourront s’étudier comme une seule langue

  1. Uber die sprache und die weisbeit der Indier.
  2. Plusieurs Mémoires importans publiés dans le recueil de l’Académie de Berlin.
  3. Vergleichende grammatick.
  4. Undersœgelsc om det gamle norden eller islandske sprogs uprindelse, 1818.