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LITTÉRATURE ORIENTALE.

même lorsqu’ils ne doivent pas lui servir. Quelquefois, après qu’on a marché avec lui de confiance, et qu’il vous a donné, pour le choix d’une interprétation, des raisons qui vous semblent fort bonnes, on est tout étonné d’apprendre qu’on a fait fausse route, et il vous prouve clairement que les preuves qui vous ont satisfaits ne doivent pas vous satisfaire. Il abandonne brusquement un système d’explication qu’il vous avait fait goûter, un peu comme ce prédicateur qui disait à ses auditeurs convaincus : « Au reste, peut-être n’y a-t-il pas un mot de vrai dans tout ce que vous venez d’entendre. » Si la solution n’était pas bonne et devait être rejetée, pourquoi la donner ? Ce procédé est consciencieux, je le sais ; il peut y avoir quelque utilité à assister à toutes les marches et contre-marches de cette campagne philologique ; une hypothèse abandonnée par l’auteur peut être recueillie par le lecteur, ou même, sans être adoptée, suggérer une idée meilleure. Cependant j’engage M. Burnouf, dans la suite de son beau travail, à ne pas donner l’histoire de toutes ses tentatives d’explication, et à se borner aux solutions pour lesquelles il se prononce. L’ouvrage est assez vaste sans l’agrandir encore, le labyrinthe assez sinueux pour ne pas le compliquer de nouveaux détours. Au reste, cette critique, la seule qu’on puisse adresser à M. Burnouf, atteste elle-même une richesse et une exubérance de sève philologique dont il ne faut que modérer l’excès.

Un des résultats les plus décisifs du travail de M. Burnouf sur le zend, c’est d’avoir montré que les ressemblances de cette langue étaient surtout frappantes avec le sanscrit le plus ancien, avec le sanscrit des Védas. La langue zende est donc, non point une fille, mais une sœur de la langue sanscrite. Ce qui est vrai du zend l’est aussi de plusieurs autres langues de la grande famille indo-européenne ; de même que le latin ne dérive pas du grec, ni le latin ni le grec ne dérivent du sanscrit, mais toutes ces langues sont des rameaux d’une même souche. Il y a en latin, telle forme plus ancienne que la forme sanscrite correspondante ; il en est des peuples comme des langues : les populations latines, ou gothique, ou persanes, ne viennent pas de l’Inde ; mais, ainsi que les populations indiennes elles-mêmes, elles ont un berceau commun et inconnu.

Chemin faisant, M. Burnouf a rencontré de curieuses étymolo-