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LITTÉRATURE ORIENTALE.

science qui réussissent quelquefois. M. Grotefend aborda les inscriptions de Persépolis, sans en connaître ni la langue ni l’alphabet, et il parvint à emporter du premier coup l’interprétation à un point qu’on n’a guère dépassé avant M. Burnouf.

Voici comment il s’y prit. Il se dit : Quelle que soit la langue que je ne connais pas, quels que soient les caractères que je ne connais pas davantage, sur quoi peut rouler le sens de l’inscription qui est devant moi ? On avait trouvé sur des monumens plus modernes des inscriptions en langue pelvie qui portaient : tel roi fils de tel roi. M. Grotefend se dit : Pourquoi la même chose ne se trouverait-elle pas dans mes inscriptions cunéiformes ? et le bonheur voulut qu’il rencontrât juste dans cette supposition. Sans cela, on chercherait peut-être encore la clé de l’alphabet persépolitain. Puis il se dit encore : Si c’est un roi de Perse, fils d’un autre roi de Perse, ce peut être Cambyse, fils de Cyrus. Mais il écarta très vite cette supposition par une réflexion judicieuse : dans ce cas, deux des mots inconnus auraient commencé par le même caractère. Cela n’étant point, l’inscription ne pouvait se rapporter à Cambyse, fils de Cyrus ; mais elle pouvait se rapporter à Xercès, fils de Darius. La fortune voulut qu’il en fût ainsi ; et, grace à ce mélange d’audace, de pénétration et de bonheur, M. Grotefend se trouva en possession d’un certain nombre de lettres, celles qui composaient les deux noms propres de Xercès et de Darius. Il pensa bien que l’inscription était écrite en langue zende ; mais n’ayant d’autre ressource qu’un petit vocabulaire très incomplet d’Anquetil-Duperron, il ne put préciser la valeur que de quelques lettres. Toutefois le premier coup était porté, et tôt ou tard on devait rectifier et compléter l’ingénieuse découverte de M. Grotefend.

Cependant la rectification et le complément se firent attendre. En 1823, un homme dont les connaissances variées et l’esprit original ne seront suffisamment appréciés qu’après la publication de ses œuvres posthumes, Saint-Martin reprit l’explication de l’inscription lue par Grotefend. Malgré sa pénétration singulière, le savant français ne laissa pas la question beaucoup plus avancée qu’il ne la trouva ; il avait redressé quelques erreurs de M. Grotefend, mais il en avait commis d’autres qui lui étaient propres. Ce qui manquait à tous deux pour la solution du problème, c’était une connaissance exacte de la langue des inscriptions. Aussi, le Danois