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REVUE. — CHRONIQUE.

— Il y a bientôt un demi-siècle que l’Angleterre s’avisa de faire des filous de Londres le noyau d’un peuple destiné à couvrir l’île immense à laquelle les navigateurs Hollandais, qui l’avaient découverte, donnèrent le nom de Nouvelle-Hollande — ce fut en 1788 que le gouvernement anglais fonda Botany-Bay. Aujourd’hui, près de 80,000 Européens, dispersés sur les côtes ou dans les forêts de la Nouvelle-Galles du Sud, et sur quelques points de l’île de Van-Diémen, forment la population des possessions australo-anglaises. On devine combien les annales d’un semblable peuple doivent différer de celles des sociétés européennes, combien elles doivent être remplies de faits neufs et dramatiques. Les chances multipliées de non-réussite provenant de causes diverses, telles que l’éloignement de la métropole, la disette de vivres, les attaques des indigènes, l’ingratitude du sol, tout cela, réuni aux mauvaises dispositions des déportés, menaça long-temps d’étouffer dans son berceau la colonie naissante. Ces incidens, ces dangers, ces vicissitudes suffiraient sans doute pour fournir la matière d’un livre. Quand on ne trouverait dans celui que vient de publier M. de la Pilorgerie[1], que le récit exact et circonstancié de ces évènemens, nous le remercierions déjà de nous l’avoir fait. Mais une pensée plus haute a inspiré l’auteur, et à vrai dire, c’est le second titre de son ouvrage qui désigne le véritable but qu’il s’est proposé d’atteindre. Il a cherché, dans les annales des colonies pénales de l’Angleterre, des faits propres à jeter une vive lumière sur la grave question de la déportation. À ses yeux, l’histoire de Botany-Bay n’a d’importance qu’en ce qu’elle contient la solution d’une question morale. Peut-on fonder des colonies matériellement florissantes avec des criminels ? Ces hommes, après avoir violé les lois de l’association dans leur patrie, peuvent-ils devenir des colons utiles ? Non, pense M. de la Pilorgerie, et pour preuve, il nous apprend que Botany-Bay, malgré tous les sacrifices pécuniaires de l’Angleterre, n’existerait plus, si l’émigration libre n’était venue au secours de ces établissemens. La déportation considérée comme peine réunit-elle du moins les conditions que les législateurs doivent attacher aux sévérités de la loi ? Non, répond encore l’auteur, elle n’est propre ni à réformer le coupable, ni à intimider les malfaiteurs. Voilà les conclusions morales de ce livre, conclusions que l’auteur se croit autorisé à tirer de l’examen consciencieux des documens officiels, des enquêtes parlementaires, des relations et des divers voyages publiés en Angleterre. Ce livre offre une lecture très intéressante comme histoire ; il est écrit

  1. Histoire de Botany Bay, ou Examen des effets de la déportation considérée comme peine et comme moyen de colonisation, par M. de la Pilorgerie. 1 vol. in-8o, chez Paulin, rue de Seine, 33.