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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

ceux d’entre eux appelés à la chambre des proceres ont implicitement concouru à légaliser la déchéance du prétendant et de sa famille. La lutte stratégique de la Navarre n’a rien d’une croisade ; et si les franciscains de Bilbao et d’autres monastères saccagés ont grossi les bataillons de don Carlos, c’est qu’ils ont trouvé à y vendre chèrement leur vie, au lieu de s’abandonner à la discrétion de leurs ennemis. Le clergé possède plus que nul autre corps le pressentiment de l’avenir ; il n’a le droit de le compromettre pour aucune pensée terrestre, et son premier devoir est de se séparer à temps des causes qui tombent. Aussi, voyez le clergé séculier dans la Péninsule : il paraît se résigner, quoique avec douleur, sans doute, à ne pas associer son sort à celui des ordres monastiques dont la résurrection devient de jour en jour plus impossible. Entre deux partis politiques en présence, il laisse se prononcer la fortune, certain de profiter de la victoire de don Carlos, et ne voulant pas se compromettre par sa défaite.

À cette attitude passive du clergé s’est jointe l’attitude hostile de la noblesse, que les partisans de l’infant n’ont jamais contestée. On comprend dès-lors que des succès obtenus dans l’épuisement de l’Espagne n’avanceraient guère la seule question vraiment importante, et qui, réduite à sa plus simple expression, devrait se formuler ainsi : Constituer la doctrine du pouvoir absolu sur la démocratie morale ; se soutenir sans crédit et sans armée régulière, les hommes et l’argent manquant également pour la former, et le premier vœu des Navarrais étant de retourner dans leurs provinces, si jamais ils consentaient à en sortir ; se placer en dehors de la classe élevée et de la classe industrielle, pour gouverner contre toutes les influences dominantes dans la société contemporaine. Tel est le problème que don Carlos devrait résoudre en Espagne, et cette solution serait moins facile qu’une victoire.

Que le prétendant s’installe au palais des rois catholiques, nous demandons ce qu’il fera le lendemain ? Ne parlons pas des insurrections libérales qui s’organiseront alors, avec moins de consistance, il est vrai, que le mouvement de Navarre, mais sur bien plus de points à la fois ; ne nous enquérons pas du sort de ces cités méridionales se déclarant indépendantes, comme Cadix a déjà plus d’une fois menacé de le faire ; ne nous arrêtons pas à faire remarquer l’évidente différence de cette situation d’avec celle de 1823, alors que Ferdinand, pour organiser un gouvernement et une armée, put disposer de toutes les ressources de la France, dont l’occupation se prolongea jusqu’en 1828 ; admettons que ces obstacles, devant lesquels aurait reculé le cardinal Ximenès, s’aplanissent devant l’évêque de Léon ; supposons la France et l’Angleterre impassibles, le traité de la quadruple alliance décidément déchiré, et nos maîtres de poste fournis-