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gnol en 1834. Voyant l’insurrection carliste céder dans toutes les provinces presque sans résistance, il se persuada que celle de Navarre s’épuiserait également elle-même, sans qu’il fût nécessaire de recourir à ces mesures énergiques dont l’emploi répugne à tout gouvernement placé entre deux partis extrêmes. Il lui échappa que la guerre de Navarre était une guerre de peuple à peuple, plutôt que de parti à parti, et que ces provinces riches, libres et guerrières, possédaient plus de moyens pour se défendre que l’Espagne n’en avait alors pour les réduire. D’ailleurs un fait nouveau allait apporter à cette insurrection des ressources nouvelles : l’infant don Carlos, échappé aux deux polices de France et d’Angleterre, moins d’un mois après son arrivée de Portugal, avait sans obstacle franchi les Pyrénées[1]. Peu de jours après, ce prince passait en revue à Onate un corps d’armée de seize mille hommes ; son généralissime écrasait deux divisions christines, et l’armée de Rodil, démoralisée par ses défaites, abandonnée par ses officiers, sans équipages, sans solde et sans pain, recourait au pillage et au meurtre pour vivre et pour se venger.

Relevée par cette extrémité, sans être devenue plus populaire, la vieille opposition libérale comprit que toutes ses chances étaient là. Ne pouvant se dissimuler que ses doctrines étaient en baisse, le parti de 1820 voulut au moins faire prendre ses hommes, auxquels s’attachaient quelques nobles prestiges. Le ministère aima mieux transiger pour un nom propre que pour un principe, et prit Mina. Mais en l’envoyant dans le nord, on fut loin de lui prodiguer les moyens de vaincre ; car par suite de soupçons que sa conduite a démentis, on le redoutait à l’égal des ennemis qu’on l’envoyait combattre. L’autorité militaire fut scindée, et l’armée divisée en deux corps opérant sous des généraux différens ; la vice-royauté de Navarre fut distraite du commandement militaire ; enfin, pour compléter ce système de précautions, qui pouvait paraître prudent, mais qui en réalité était funeste, Llauder, l’antagoniste personnel de Mina, fut appelé au ministère de la guerre.

Que le mauvais succès du vieux guerillero ait tenu à ces circonstances ou à la nature même de cette lutte, c’est ce que pour nous, Français, il est peu intéressant et très difficile de décider. Toujours est-il qu’après des désastres multipliés, dont l’effet fut de porter au plus haut degré l’irritation populaire, sans qu’il en sortît une énergique résistance ; les choses en arrivèrent bientôt au point que les généraux de cette armée, réduite de quarante-trois mille hommes à moins de dix mille combattans, consultés officiellement par le général Valdez, successeur de Mina, sur les moyens de sortir d’une position aussi critique, recon-

  1. Débarqué à Portsmouth le 18 juin 1834, don Carlos passait à Paris le 6 juillet, et se trouvait en Espagne le 10 du même mois.