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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/673

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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

lit pas, dans les portefeuilles des courriers, les correspondances les plus intimes, et se refuse à raisonner sur autre chose que sur les faits et les documens acquis à la publicité. Néanmoins il est un point de vue d’où l’on domine, à bien dire, les transactions les plus secrètes, et duquel il est licite, sinon de les juger en elles-mêmes, du moins d’apprécier leurs résultats avec quelque assurance. Ce point de vue est celui de la nature des choses.

L’école gouvernementale en fait trop souvent abstraction, disposée qu’elle est à se considérer comme le centre d’où partent et où viennent aboutir les évènemens. Peut-être la diplomatie ne voit-elle pas assez que, de notre temps, elle ne remplit guère dans la vie des peuples que l’office du notaire qui met en forme exécutoire des conventions arrêtées sans lui. Les arrangemens de cabinet, qui, au xviiie siècle, décidaient souverainement du sort des nations, sont désormais subordonnés à des intérêts avec lesquels il serait trop redoutable de se compromettre, là même où le contrôle de l’opinion ne s’exerce pas d’une manière légale. C’est pour cela que la perspicacité du publiciste peut, jusqu’à un certain point, suppléer aux notions précises de l’homme d’état.

Qui n’aurait pu deviner, en effet, en étudiant les tendances des idées ou les exigences des intérêts matériels, l’issue des principales transactions contemporaines ? N’était-il pas probable, par exemple, dès 1821, à voir la vive et universelle émotion de l’Europe, la sympathie religieuse et politique de la Russie, que la Grèce ne retomberait pas sous le joug ottoman, quoique, sous des impressions habilement suscitées, Alexandre eût d’abord dévié des traditions de l’empire ; et les cabinets, alors le plus hostiles à cette cause, n’ont-ils pas été conduits à signer, en 1827, l’émancipation de ce pays ? Pouvait-on croire également, en pesant les intérêts commerciaux de l’Angleterre et la nécessité où elle était alors de maintenir la paix continentale, qu’en 1823, lors de l’expédition française en Espagne, le cabinet de Saint-James se compromit sérieusement avec celui des Tuileries et avec toutes les puissances signataires des actes de Vérone ? N’était-il pas manifeste que, nonobstant les notes et les citations virgiliennes de M. Canning, l’intervention suivrait son cours sans obstacle ? Enfin, lorsqu’en 1830 les cabinets furent froissés dans leurs plus profondes croyances, ne se sont-ils pas, avec une haute raison, empressés d’offrir une ratification que leur principale crainte fut de ne pas voir demandée ; et lorsqu’à cette époque on a tremblé pour la paix du monde, ces appréhensions ne s’appuyaient-elles pas bien plus sur les exigences de la révolution que sur celles de la diplomatie européenne ?

Appliquant ce principe aux affaires d’Espagne, nous osons dire que si d’étroits engagemens ont été pris, si des mesures comminatoires ont été