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Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/732

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REVUE DES DEUX MONDES.

songer, ceux qui vivent dans la fange des villes, dans leur corruption, dans leurs révoltes : à voir ce qu’il faut d’ordre, de résignation, de peines, pour féconder la terre et faire vivre ceux qui l’habitent, ils deviendraient plus calmes peut-être, et meilleurs.

C’est avec ces pensées que j’arrive jusque dans ma retraite, et qu’environné des livres saints dont je me suis fait comme une barrière, je m’écrie : « Jours de bénédiction, beau temps, air doux et pur qu’on n’espérait plus ; herbe verte et si belle sous ces rayons qui ne la brûlent plus et qu’elle reçoit avec amour ; solitude, silence, éloignement du bruit et des passions des hommes ; délices de l’homme contemplatif et apaisé ; qu’ai-je fait pour vous goûter avec cette plénitude et ces transports ?… »

Et je suis tenté de tomber à genoux à toutes les places ; et mon cœur n’est qu’une prière continuelle. Un chant de reconnaissance arrive de mon cœur à mes lèvres. C’est comme une tendresse infinie qui m’inonde de je ne sais quels sentimens pleins d’émotion qui se forment de tout ce qu’il y a de beau, de bon, de noble dans la créature déchue, mais pardonnée, exilée du ciel, mais remise dans la voie qui le fait retrouver. Je ne sais rendre ce que j’éprouve que par ce cri sublime de saint François de Sales

« Mon cœur, mon cœur ! Dieu est ici !!! » —


Arthur, qui n’est pas un ouvrage composé, ni qui sente le talent de profession, Arthur, qui n’est guère peut-être qu’une suite de débris, de soupirs, de souvenirs et d’espérances, mais où le souffle est le même d’un bout à l’autre, et où l’esprit, vrai parfum, unit tout, sera, nous le croyons, une lecture propice et saine, et reposante, à bien des ames fatiguées, à bien des palais échauffés, un correctif, au moins d’un moment, à tant de talens plus brillans que sincères, à tant d’enthousiasmes dont la flamme est moins au cœur qu’au front ; Arthur, si l’amitié et trop de conformité intime ne nous abuse, Arthur vivra et conservera le nom de son auteur, qui n’a plus à se repentir littérairement de ses écarts, de sa venue hâtive, de ses plaisirs distrayans et de ses faiblesses paresseuses, puisque de tant d’imperfections éparses, il lui a été donné un jour (ô nature douée avec grace !) d’assembler un volume délicieux, que d’autres, plus studieux, plus forts, n’auraient jamais écrit.


Sainte-Beuve.