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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

nullement être confondue avec la vieille aristocratie normande. Sans doute quelques-uns des membres de cette aristocratie figurent à la chambre haute parmi nos plus anciens pairs, quelques autres n’y sont entrés que récemment, après s’être bornés long-temps à jouir, ainsi que leurs aïeux, des honneurs de la noblesse provinciale. Mais il reste encore un grand nombre de familles établies dans les manoirs de leurs ancêtres, et directement issues des guerriers de la conquête ; aucune mésalliance n’a altéré la pureté de leur sang, et pourtant elles sont demeurées en dehors de la pairie.

Il serait difficile de peindre fidèlement le caractère physique et moral de cette ancienne race : les jouissances du luxe, la longue tranquillité, ont certainement effacé la rude physionomie qui distinguait ses pères. De toutes les brillantes qualités des anciens Normands, de leur versatilité impétueuse, de leur ambition, de leur rapacité, de leur finesse, que reste-t-il à ceux qui les représentent, si ce n’est le courage et la fierté ? Des alliances constantes avec les meilleures races du pays ont conservé le type originel du véritable aristocrate anglais. Il est communément de haute taille ; son visage a de l’élégance et de la beauté. Peut-être manque-t-il un peu de souplesse et d’aisance dans toute sa personne. D’ailleurs, il a de la bravoure, de la fermeté, de l’honneur. Bien que ses manières soient froides et réservées, sa courtoisie est remarquable. Cette raideur qu’on attribue en général aux Anglais est tempérée chez lui par la politesse des manières. Il brille rarement dans la conversation, rarement il excellera par la vigueur et l’élévation de l’intelligence. On ne cite point de membre de ces anciennes familles d’Angleterre qui se soit fait, grace à ses efforts individuels et à son propre mérite, un nom éminent dans l’histoire de son pays. Du reste, ce qui caractérise principalement cette vieille race, c’est une certaine droiture d’esprit et un extrême bon sens. Les citoyens se sont instinctivement habitués à lui demander des chefs pour la plupart des affaires locales et publiques. Il n’arrive guère que cette confiance soit trompée. Ces guides, choisis sur la seule recommandation de leur rang, se montreront également capables de présider avec convenance une vaste assemblée, ou de conduire habilement une négociation sérieuse commise à leurs soins. Il est vrai que toute cette noblesse,