Leroux. Voilà pourquoi ce poète, le cœur gros des méfaits du présent, a écrit les Voix du siècle, et pourquoi il adopte, sur l’océan des hommes, pour phare l’étoile de l’avenir, et pour boussole sa conscience, deux choses, déclare-t-il en terminant, inconnues, indistinctes et impalpables comme le rêve.
Une notice de M. Paul Delasalle s’est chargée de nous apprendre ce que c’est que Pierre Gringoire. Pierre Gringoire descend en droite ligne du Gringoire qui était poète sous Louis XII. Les Gringoire ont été depuis ce chef de la famille, comme lui, poètes de père en fils sous tous les régimes, jusqu’au Gringoire actuel, poète quasi saint-simonien, qui a quitté récemment son domicile de Tours sans qu’on sache ce qu’il est devenu. Pierre Gringoire, quand il habitait la Touraine, était pénétré de la nécessité d’une prochaine transfiguration de la muse. Il s’appliquait à diriger en dehors de lui les rayons de son intelligence. L’art catholique l’avait tenté. Il fut sur le point de couper l’herbe sous le pied de M. Turquety ; mais, en approchant du sanctuaire, il crut voir le Christ prêt à tomber de nouveau sous le poids écrasant de la croix. De peur d’être écrasé lui-même, en homme prudent, Pierre Gringoire s’abstint d’entrer dans le sanctuaire. Il aimait d’ailleurs, comme le commun des hommes, à voltiger des fleurs aux femmes, des larmes aux sourires ; mais il voulait avant tout se frayer une voie. À cet effet, au lieu d’emprunter ses sujets au passé, il résolut de les demander à l’avenir. Sur quoi M. Paul Delasalle remarque judicieusement que Pierre Gringoire est le symbole caché de tous les poètes qui possèdent aujourd’hui la conscience de leur mission.
Nous avons exposé aussi clairement que le comportait la matière les idées d’avenir sous lesquelles ont été conçues les poésies de Pierre Gringoire et de M. Victor Leroux. Il se trouve de tout dans ces poésies depuis des sonnets jusqu’à des mystères. Mais, mystères ou sonnets, il n’y a guère de différence. Tout est également impénétrable ; cette poésie de l’avenir a, ce semble, quelque parenté avec les hiéroglyphes. C’est comme un chiffre dont la clé manque. Vous avez des vers convenablement debout sur leurs pieds, bien rangés, bien alignés, bien rimés, exactement munis de leurs points et virgules, qui n’ont point de son fâcheux à l’oreille. Du reste vous les pouvez lire et relire ; vous perdez votre peine. Ces sonnets et ces mystères contiennent tout juste autant de sens que les magnifiques plaidoyers du célèbre procès jugé par Pantagruel.
Nous n’avons plus, grace au ciel, devant nous que deux volumes de poésie. Nous aurons vite fait avec Julien l’évangéliste, drame en vers de M. Élie Sauvage. Julien l’évangéliste est une exquise bouffonnerie, d’autant plus divertissante qu’elle a été écrite sérieusement et de bonne foi. Si nous avions le loisir et l’espace suffisans, nous en extrairions quelques