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nouvel accès d’amour. Furieux de jalousie, il se fait tuer en duel par un M. de Jousserand qui avait mine de le supplanter près de sa cousine. Catastrophe brillante d’où sort un dénouement moral que vous n’attendiez guère. Le comte Christian de Gauthier ne demandait qu’à pardonner. Veuve de son amant, Berthe retrouve un mari clément qui lui tend les bras. Rien ne manque à sa conversion ; elle redevient bonne fille, bonne mère et bonne épouse, absolument comme dans un roman de Mme Sophie Pannier.

Il y a en tête d’Une Fée de salon, une petite introduction tout au plus modeste, dans laquelle M. Arnould Fremy, évoquant les mânes des Deux Anges et d’Elfride, ses deux premiers romans, s’attribue le mérite d’une entière originalité. Il ne doit, dit-il, rien à personne. Il s’est placé devant son chevalet littéraire dans une complète abnégation des inventions passées. Il a peint comme il sentait, c’est-à-dire, à traits larges. Il a eu le dessein de produire des livres du genre arabesque. À ces prétentions singulières, nous objecterons d’abord que les créations de M. Arnould Fremy sont peut-être moins neuves qu’il ne pense. Pour ne parler que d’Une Fée de salon, Berthe, par exemple, ne doit-elle pas quelque chose à Indiana et à Lélia ? Olivier n’est-il pas une contr’épreuve extrêmement pâle, il est vrai, de Leone Leoni ? Nous laisserons M. Arnould Fremy juge lui-même de ces doutes ; d’ailleurs nous lui reprocherons l’emploi excessif de son genre arabesque. Cet écrivain a réellement beaucoup de verve et d’esprit, mais il en abuse. Sa fantaisie moqueuse est intarissable. Il a résolu de ne rien prendre au sérieux. Ce ne sont pas seulement ses héros et ses héroïnes qu’il persifle et qu’il mystifie, c’est son public, c’est son lecteur ; c’est tout le monde et toute chose. Nous accordons qu’Une Fée de salon est une fort piquante raillerie. Mais n’était-ce pas assez des Deux Anges et d’Elfride dans ce genre arabesque ? M. Arnould Fremy n’emploiera-t-il pas quelque jour son talent à se frayer une voie plus large et plus digne ?

M. Frédéric Soulié continue courageusement la publication de ses romans historiques du Languedoc. La seconde livraison semble en beaucoup de point supérieure à la première. Ici ce n’est plus une série de nouvelles détachées. Les deux nouveaux volumes sont tout entiers remplis de l’histoire de Sathaniel. Cette Sathaniel, l’héroïne de M. Frédéric Soulié, n’est pas une héroïne du genre arabesque ; elle n’a rien de commun non plus avec les héroïnes de M. Saintine. C’est une femme et une maîtresse femme, je vous assure. Autour d’elle M. Frédéric Soulié a groupé d’autres personnages fictifs d’une remarquable vigueur. Parmi les figures historiques qui se mêlent à l’action et y jouent les grands rôles, vous distinguez au premier rang les deux rois visigoths Euric et