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LE VŒU DE LOUIS XIII.

tions qu’il défend. Un homme qui n’eût pas pris au sérieux la mission que M. Ingres s’est donnée, aurait transporté sur une toile neuve une des madones du Vatican, et la foule n’eut pas songé à le blâmer. Cet emprunt était facile, et ne prescrivait qu’une imitation patiente. Mais une pareille servilité ne pouvait convenir au chef de la réaction romaine, et M. Ingres l’a bien compris.

Les anges qui séparent Marie de Louis XIII, participent par le style de la force empreinte sur le visage de la Vierge. Leur attitude vivement accusée, leurs membres vigoureux, s’accordent bien avec la sérénité sévère de la figure qui les domine. S’ils ne sont pas pareils aux anges des Loges, c’est que Marie elle-même a changé d’expression. Ceci est une question de bon sens.

La vierge n’offrait pas les mêmes difficultés que le roi. Mais les problèmes à résoudre, bien que différens, n’étaient pas d’une moindre importance. Si en effet l’étoffe des draperies était d’une trame uniforme, si les plans et les contours du visage éclairés plus franchement indiquaient au graveur, d’une façon plus nette, les procédés à suivre, il y avait cependant plus d’un écueil à éviter. Rien, dans la gravure de la Vierge, ne pouvait se faire à demi ; la tricherie, même la plus légère, devenait une faute grave ; il s’agissait de modeler, au grand jour, le visage, les mains et les draperies de cette figure, et surtout de respecter le type choisi par le peintre, de reproduire scrupuleusement la force indulgente empreinte dans les traits de la Mère divine. Cette tâche, M. Calamatta l’a dignement remplie. Dans le front, les joues et le cou de la Vierge, il a sagement évité les tailles systématiques, militairement alignées, qui abolissent les contours en imposant à toutes les parties de la forme humaine une symétrie sans valeur et sans signification. Les mains se peuvent comparer aux meilleures de l’école romaine. Quant aux yeux de la Vierge, pour les juger, pour les bien comprendre, il est nécessaire de se rappeler le sentiment que M. Ingres a voulu peindre sur le visage de la Vierge. Si l’on y cherchait la grace demi-divine, demi-maternelle que Raphaël a donnée à toutes ses madones, on serait condamné au désappointement. Mais tel n’a pas été le but de M. Ingres. Si l’on veut bien ne pas oublier la force indulgente que l’auteur s’est proposé d’exprimer, il n’y a plus rien de singulier dans les paupières de cette figure. L’ampleur des orbites et la courbe décrite par les sourcils se déduisent naturellement de l’intention même qui est exprimée dans le visage. La sérénité virginale et divine ne régnant plus sans partage sur le front de Marie, il n’y a pas lieu à s’étonner que le regard soit modifié selon la donnée choisie par le peintre. Les draperies sont d’un beau jet et traduisent bien le nu qu’elles enveloppent ; les plis sont rares et divisés grandement. L’enfant