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amoncèlent des murailles de lois pour se défendre contre eux, mais ceux qui, mesurant avec calme l’étendue du danger, ne se l’exagèrent pas, ne s’excitent pas sans cesse pour le conjurer, et se trouvent suffisamment armés quand il s’agit de le combattre.


THÉÂTRE-FRANÇAIS. – LA VIEILLESSE D’UN GRAND ROI.

La pièce représentée mardi dernier au Théâtre-Français, est absolument sans importance, et nous consentirions volontiers à n’en pas parler, si nous ne pensions qu’il est utile de signaler, dans cet ouvrage si parfaitement nul, l’imitation des procédés familiers à M. Scribe. La Vieillesse d’un grand roi, de MM. Lockroy et Arnould, sans être précisément construite avec la même adresse mécanique, la même habileté extérieure, que Bertrand et Raton, l’Ambitieux et la Camaraderie, se rapproche pourtant de l’école de politique bourgeoise fondée par le plus fécond de nos vaudevillistes. Dans le drame de MM. Lockroy et Arnould, comme dans les comédies qui ont mené M. Scribe à l’Académie, l’anecdote est constamment substituée à l’histoire. Les petits moyens, les petites scènes, les petits personnages occupent sans relâche les premiers plans. Nous serions indulgens et ferions bon marché de nos scrupules, si la pièce produisait le rire ou les larmes, si elle se distinguait par l’intérêt ou la gaieté. Malheureusement, en présence de l’ennui, nos scrupules demeurent entiers. Nous ne tenons pas à prendre parti pour le duc de Saint-Simon, à soutenir qu’il a eu raison d’attaquer le caractère de Mlle de La Chausseraie ; mais ce n’est vraiment pas la peine de mettre en scène Louis XIV et Mme de Maintenon, le duc du Maine et Mme de Caylus, pour n’offrir qu’un imbroglio sans mouvement et sans nouveauté. Les mémoires les plus indolentes ont retrouvé dans Louis XIV le bonhomme Argan, à la vérité près, dans Mme de Maintenon Mme Evrard, dans l’abbé Simon Michel Perrin, dans le duc du Maine un traître de mélodrame, dans Mme de Caylus une parleuse sans esprit, qui paraît ordinairement dans l’exposition de toutes les pièces dites historiques. Il n’y a pas de raison pour que ces personnages appartiennent à l’année 1715, plutôt qu’à toute autre époque ; ni les sentimens ni le langage ne rappellent le commencement du xviiie siècle, ni surtout la cour de Louis XIV. Le roi n’est qu’un vieillard malade et n’a rien de royal ; Mme de Maintenon n’est qu’une gouvernante rusée qui veut avoir place au testament d’un célibataire imbécille. Quant à Mlle de La Chausseraie, c’est une ingénue, une rosière couronnée depuis long-temps par tous les baillis de village. Si c’est ainsi que MM. Arnould et Lockroy conçoivent l’emploi de l’histoire au théâtre, il n’est pas hors de propos de