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justesse, mais son pinceau a plus de charme et de vivacité ; il sait davantage animer les lignes de ses monumens par des scènes d’histoire et des groupes de figures. Sa Procession de la fête de la Gargouille, à Rouen, est un morceau plein de vie et de couleur, qui le place à un très haut rang parmi les successeurs de Bonnington. Il y a aussi, dans le même genre, une bonne vue de la grande place de Bruxelles, peinte par M. Flandin, et une vue d’Honfleur, heureusement rendue par M. Danvin. Il y aurait encore à parler d’autres paysagistes, qui, à de moindres degrés, méritent des éloges et des encouragemens ; mais les bornes d’un article ne le permettent pas, l’espace est bien petit et le nombre trop grand. Qui ne voudrait, en effet, faire partie d’une corporation pareille, qui ne voudrait s’enrôler dans une telle troupe, lorsque l’on voit de quelles ivresses sont comblés les paysagistes, et de quelles récompenses sont payés leurs travaux ? Ils vivent dans la sainte compagnie de la nature, ils vivent avec ce qu’il y a de plus beau dans le monde, le ciel, la mer, la terre, les plantes, les fleurs et les animaux ; ils ne touchent presque point aux idées et n’ont presque rien à démêler avec les passions humaines, et lorsqu’ils meurent, ils arrivent, comme Michel-Ange, comme Raphaël, mais sans s’être donné autant de mal, à la gloire, et à une belle place dans le temple de l’art.

iv.

Si les paysagistes abondent en raison des progrès matériels de la peinture et du long avenir qui s’ouvre devant eux, le nombre des sculpteurs ne paraît pas s’accroître. Si les uns sont heureux, tranquilles et sereins, comme gens qui marchent sur la terre ferme, les autres ne le sont pas autant, et ils semblent craindre que la civilisation ne rétrécisse leur art. Ils peuvent bien encore se proposer l’expression des idées morales, la personnification des vertus et des vices, et concourir à l’embellissement de l’architecture ; mais l’exécution devient de plus en plus difficile, parce qu’ils sont obligés de s’en tenir aux côtés poétiques de l’humanité, et que le nu, base de l’art antique, la forme la plus auguste de la divinité, disparaît de plus en plus de nos mœurs. Les sculpteurs anciens étaient les plus fortunés des artistes ; ils avaient à rendre