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SALON DE 1837.

spéciale, et lui a consacré un article aussi flatteur que judicieux. M. Calamatta a exposé en outre une série de portraits au pastel, parmi lesquels on remarque celui de George Sand et celui de M. Liszt. Ces deux morceaux se distinguent par la grace et l’élévation du style, et sont empreints d’un sentiment vraiment poétique.

Enfin, pour n’oublier aucun genre, car l’art a le sein vaste et immense, nous finirons par la lithographie. Si l’on veut connaître une assez belle reproduction de l’œuvre d’un grand maître allemand, on ira la chercher dans la collection d’épreuves exposées par M. Léon Noël. C’est le Christ aux Enfans d’Overbeck. Nous qui avons vu l’admirable dessin original, nous aimons encore la copie et nous la trouvons faite avec beaucoup de charme et de naïveté. Il y a aussi une bonne épreuve d’un tableau de M. Winterhalter, appartenant au grand-duc de Bade : c’est un concert que deux belles Romaines donnent à un petit Romain. L’enfant est si beau, si grave et si tendre, qu’on voudrait l’embrasser.

Que conclure de ce que nous venons de voir et de ce que nous venons de dire, c’est que l’art français est loin de déchoir, que la vie l’anime et l’échauffe, mais que cette vie incertaine et inquiète le précipite dans bien des erreurs et des tâtonnemens. Comme inspiration, ce ne sont pas les sources qui lui manquent, devant lui s’épanche une nappe d’eau merveilleuse et abondante. Toutes les formules des anciennes civilisations lui sont connues, les sanctuaires de toutes les religions ouverts ; il peut se servir de tous les chefs-d’œuvre émanés du cerveau humain jusqu’à ce jour ; l’histoire du monde regorge de faits, et la nature sur tous les points du globe lui découvre le sein. Cependant, malgré cette multitude de faits, cette richesse d’idées, malgré sa liberté enfin, il hésite et ne sait quel parti prendre ; on dirait, à le voir se heurtant à toutes les écoles, tantôt aux Allemands, tantôt aux Italiens, tantôt aux Flamands, que c’est justement la richesse qui l’embarrasse et le rend si timide. Il commence souvent par Rubens et tourne à Raphaël, ou souvent il débute dans le sentiment d’un Italien et finit par être un Flamand. Quel est-il ? est-il dessinateur ? est-il coloriste ? abonde-t-il dans une qualité plus que dans une autre, ou sa nature est-elle de les comprendre toutes les deux. Cette hési-