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inachevée. Malheureusement la courtoisie la plus indulgente ne nous permet pas d’applaudir l’œuvre nouvelle de M. Bulwer. Les personnages de la Duchesse de La Vallière n’appartiennent ni à l’histoire, ni à la poésie. À la réalité, qu’il méconnaissait volontairement, M. Bulwer a substitué une réalité triviale, qui n’est d’aucun pays, ni d’aucun temps, une réalité de coulisse, qui se prête à toutes les combinaisons théâtrales, mais si familière aux mémoires le plus paresseuses, que les premiers vers de chaque scène rappellent toujours les vers à venir.

Louis XIV, tel que nous le montre M. Bulwer, n’est qu’un égoïste impérieux ; il manque absolument de charme et de grandeur ; il expose la théorie de son caractère avec tant de franchise et de sécheresse, que l’amour de Mlle de La Vallière est à peine intelligible. La bravoure, la magnificence, n’entrent pour rien dans son rôle ; c’est tout simplement un Turcaret qui veut être aimé pour son argent. Il est jeune, et il se conduit comme un vieillard blasé ; rien en lui ne révèle l’ardeur de la gloire et le goût de la vraie galanterie. Je ne puis croire que M. Bulwer ait eu l’intention de rapetisser le personnage de Louis XIV, car une pareille intention serait directement contraire au but de sa pièce ; mais, en vérité, la manière dont il a dessiné le roi de France est tout-à-fait inexplicable. Lorsqu’il arrive à Louis XIV de parler fête et carrousels, cet épisode de la conversation a l’air d’un hors-d’œuvre, et n’est pas amené par le mouvement général de la pensée.

Le duc de Lauzun, le comte de Grammont et le marquis de Montespan, destinés par l’auteur à représenter la cour de France dans la seconde moitié du xviiie siècle, ne sont, à proprement parler, que des caricatures réprouvées par le bon sens aussi bien que par l’histoire. Le duc de Lauzun, qui, dans la pensée de M. Bulwer, signifie la même chose qu’Iago, justifie très mal son origine littéraire. Il se donne pour un misérable, pour un homme sans cœur et sans foi, capable de tous les mensonges et de toutes les trahisons ; mais son rôle tout entier se réduit à la vanterie. Il parle, et il n’agit pas ; et sa parole est de si mauvais ton, ses maximes d’immoralité sont si plates, que nous avons peine à comprendre l’engouement du roi pour ce bavardage ennuyeux. Le comte de Grammont est un bouffon de troisième classe, qui joue avec les mots, et gaspille les métaphores sans réussir à dérider l’audi-