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THÉÂTRE ANGLAIS.

Avec le second acte commence la lutte de l’amour et du devoir, lutte qui devrait remplir la pièce entière, mais qui n’a pas fourni à M. Bulwer le tiers de son ouvrage. Je ne sais rien de plus ridicule que la querelle de Bragelone et de Lauzun, dans les jardins de Fontainebleau. Si Bragelone a conçu des soupçons sur la pureté de sa fiancée, il devrait, pour s’éclairer, consulter un autre homme que Lauzun ; et quand il apprend, de la bouche d’un courtisan, l’amour de sa maîtresse pour le roi, il aurait quelque chose de mieux à faire que de mettre l’épée à la main. Quelle que soit la légèreté des paroles de Lauzun, Bragelone devrait se souvenir qu’il parle à un homme de plaisir, et que les maximes de la cour ne sont pas celles de l’église. Le seul parti sage serait de voir par ses yeux si Louise lui est restée fidèle. Est-il vraisemblable que Mlle de La Vallière, éprise du roi, heureuse de l’amour qu’elle ressent et qu’elle inspire, se rende aux premières remontrances d’un homme qu’elle n’aime plus, ou plutôt qu’elle n’a jamais aimé ? Je ne le crois pas. M. Bulwer en a jugé autrement ; car, dans sa pièce, Louise de La Vallière s’enfuit au couvent. La scène où Louis XIV vient enlever sa maîtresse, qui demande à Dieu de la protéger contre l’amour, aurait pu être belle, et ne demandait pas mieux ; mais M. Bulwer n’a su y mettre que de la puérilité, de l’emphase et des effets de mélodrame.

Le troisième acte, le plus important et le plus dramatique, selon l’auteur, est consacré tout entier à la peinture des intrigues de cour. Il est impossible d’imaginer des trahisons plus innocentes, des inimitiés plus maladroites, des mensonges plus transparens, des embûches plus faciles à découvrir. Lauzun et Mme de Montespan, coalisés contre Mlle de La Vallière, inventent des piéges dignes d’un enfant. La maîtresse du roi se confie à sa rivale future avec une ingénuité dont il faut aller chercher le modèle dans les comédies de Berquin ; elle charge Mme de Montespan de porter une lettre à Louis XIV, comme si elle n’avait pas à son service de messager plus sûr et plus discret. En vérité, tout ce troisième acte est d’une niaiserie si parfaite, tous ces courtisans jouent à la scélératesse avec une candeur si imperturbable, que M. Bulwer devrait obtenir un des prix Monthyon. Le ridicule de ce troisième acte fait le plus grand honneur à son caractère.

Le quatrième acte est celui où l’auteur a le plus inventé. Mais