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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Guizot, si elle a été fausse, ou flétrissante pour son caractère, si elle a été habile, comme ils voudraient nous le persuader !

M. de Montalivet, sollicité par M. Guizot de former avec lui un ministère, répondit par écrit qu’il était assuré d’avance de ne pouvoir se trouver d’accord avec M. Guizot. En cela, M. de Montalivet se trompait, car M. Guizot était très décidé à se trouver d’accord avec tout le monde, plutôt que de quitter le ministère, lui qui proposait la veille à M. Molé de rester tels qu’ils étaient, c’est-à-dire de maintenir les lois de non-révélation et d’apanage, et le lendemain à M. Thiers de s’adjoindre à lui, c’est-à-dire de les retirer ou de les modifier complètement. M. de Montalivet refusa néanmoins de voir M. Guizot, qui ne se découragea pas, et se dit patiemment qu’il attendrait le jour où M. de Montalivet serait visible. Ce jour serait-il arrivé ?

Les essais du maréchal Soult, soutenus par M. Thiers et M. Humann, auxquels se serait adjoint, en cas de nécessité, M. de Montalivet, devaient échouer par plusieurs causes qu’il est inutile de mentionner. Il est résulté de ces démarches un plan de politique intérieure et extérieure qui fait honneur à la franchise de ceux qui l’ont conçu. M. Guizot, que ses amis politiques servent si à propos, et de qui la Paix disait, en le défendant contre ceux qui lui reprochaient de courir les ministres : « La fermeté de ses principes est au moins aussi bien connue que la droiture de son caractère ; » M. Guizot eût évité beaucoup de démarches en formulant de son côté le système de son parti, n’eût-ce été que pour tracer un peu distinctement la ligne qui le sépare de M. Jaubert et de M. Fonfrède, dont les vues ne s’accordent assurément pas avec celles de M. Thiers ou de M. de Montalivet.

Les propositions de M. le maréchal Soult, de M. Thiers et de M. Humann étaient à peine refusées, que le parti doctrinaire annonçait déjà que M. Molé et M. de Montalivet étaient à l’œuvre pour procréer un ministère, qu’on baptisa d’avance du nom de petit ministère. Or, il n’en était rien ; et tandis que les soirées se passaient entre M. Guizot et ses amis à feuilleter l’Almamach royal, pour y découvrir, parmi les imperceptibles, un ministre des affaires étrangères et un ministre de la guerre, M. Molé s’occupait à écrire ses dépêches avec le même soin et avec la même exactitude que s’il eût été destiné à rester de longues années à la tête de son département. C’est là ce que ne sauraient comprendre les sublimes théoriciens qui sont trop préoccupés du bel avenir qu’ils promettent à la France, pour accorder même le secours d’une signature aux affaires les plus pressantes du moment.

M. Guizot savait la vérité mieux que personne, car il s’efforçait en ce temps-là même de faire accepter le ministère de l’intérieur à M. de Mon-