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œuvres que nous avons dû mentionner. Si nous méritions quelque blâme, ce serait plutôt pour avoir élargi trop facilement les cadres de notre revue littéraire, et disputé à l’oubli des compositions pour lesquelles l’examen, fût-il même sévère, était déjà une faveur.

C’est une remarque qu’on fera peut-être en lisant la série d’analyses qui va suivre, et qui comprend ce que les sciences morales et historiques ont publié de plus intéressant pendant le second semestre de l’année passée. Nous avons à dire, pour excuse, qu’à défaut d’œuvres de premier ordre, il a bien fallu descendre dans cette région secondaire, où la maigreur et la monotonie des productions rendent les préférences fort difficiles. Nous étant proposé de constater l’état présent des études graves et la direction des esprits, notre choix a dû se porter sur les livres instructifs, soit par eux-mêmes, soit par les discussions qu’ils soulèvent. La tâche exigeait une abnégation véritable. Ce n’est pas sans peine qu’on renonce à la séduisante unité de cette critique, qui, se mirant, pour ainsi dire, dans un seul et bel ouvrage, en prend elle-même l’éclat et les nobles proportions. Les livres de sciences abstraites et d’érudition, sans art et sans style pour l’ordinaire, ne livrent que péniblement leur pensée, et on contracte aisément avec eux la raideur pédantesque, sorte de tache originelle, bien rarement effacée par le baptême de l’esprit. C’est ce que nos lecteurs sauront comprendre ; et, en faveur du résultat, utile, sinon brillant, ils trouveront en eux un peu de cette patience attentive dont les travaux scientifiques nous ont trop souvent fait sentir le besoin.


§ i. – PHILOSOPHIE

À une époque fertile, s’il en fut jamais, en régénérateurs, on s’étonne de n’avoir pas à citer, dans l’œuvre de plusieurs mois, un seul évangile philosophique, un programme nouveau de la science humaine. Une vingtaine de livres ou de brochures se divisent par moitié en études critiques sur d’anciens systèmes, et en traités relatifs à l’éducation de l’enfance. Ceux-ci ne se présentent pas avec assez d’autorité pour obtenir de nous une mention spéciale. Il suffit de signaler en masse ces tentatives réitérées, et trop souvent infructueuses, comme de louables efforts pour affranchir les générations suivantes du désaccord de sentimens et de principes, du partage désordonné, de la curiosité vaine, du doute et des mille angoisses de l’esprit, qui fatiguent notre époque jusqu’à l’hébéter.

Revenons aux livres purement critiques, parmi lesquels figurent trois ouvrages, dont l’analyse ne sera pas sans profit.

En tête d’un énorme volume sorti des presses du gouvernement, et intitulé : Ouvrages inédits d’Abélard, pour servir à l’histoire de la philosophie scolastique en France, se trouve une introduction fort instruc-