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LA PRESSE FRANÇAISE.

philologie et l’esthétique, pour critiquer les origines et les développemens intellectuels. Il faut demander tribut à toutes les sciences au profit de la science des faits. Il est à remarquer aussi que presque tous les travaux sérieux prennent plus ou moins légitimement la forme historique ; ce qui nous oblige à comprendre dans cette division des ouvrages qui ne s’y rattachent pas directement.

On sait, par exemple, que l’ethnographie forme les prolégomènes obligés de toute narration, et que la classification du genre humain en espèces et en variétés s’introduit comme un fait démontré dans les traités élémentaires de géographie. Cette tendance nous autorise à rappeler ici deux ouvrages, qui se rattachent plus particulièrement aux sciences naturelles. Nous voulons parler d’un Essai sur les races humaines, par M. Broc, et de la réimpression de l’Essai zoologique sur le genre humain, par M. Bory de Saint-Vincent. La discussion sur l’unité primitive de l’humanité a moins été jusqu’ici un débat philosophique qu’une mêlée de sectaires. D’une part, le fanatisme religieux défendait obstinément la lettre biblique ; à l’opposé on célébrait, comme une victoire de la science, tout démenti donné à la tradition. De nos jours, les esprits se complaisent dans un calme qui tient quelque peu de l’indifférence, et c’est sans passion qu’ils interrogent la physiologie sur un des plus graves problèmes de la morale et du droit naturel. Le genre humain a-t-il eu dans l’origine un type unique, que diverses circonstances ont pu modifier depuis ? Ou bien les différences qui nous frappent présentement sont-elles essentielles, inaltérables, perpétuellement transmissibles ? Établissent-elles des variétés zoologiques, caractérisées par la constitution et l’aspect physiques, par des penchans et des aptitudes ? De tous les naturalistes modernes, M. Bory de Saint-Vincent est celui qui s’est prononcé pour la seconde hypothèse avec le plus d’assurance. Après avoir divisé l’ordre des bimanes en deux genres, homme et orang-outang, il distribue le premier genre en quinze espèces, subdivisées elles-mêmes en races et familles : puis, il conduit son lecteur aux quinze berceaux de l’humanité, pour y dresser autant d’actes de naissance. Beaucoup plus réservé, M. Broc reconnaît et décrit soigneusement les différences qui apparaissent aujourd’hui entre les êtres humains : mais il laisse à penser que ces différences ne sont pas nécessairement originelles, et qu’une foule d’accidens physiques ou d’influences morales ont pu, à la longue, diversifier le type unique et primitif. Rappelons à cette occasion qu’en histoire naturelle une nomenclature n’est pas autre chose qu’une méthode d’étude : pour le philosophe elle est un indice, mais elle n’a pas valeur de démonstration. Relativement aux bimanes, comme dirait M. Bory de Saint-Vincent, ne suffit-il pas de rapprocher les classifications proposées jusqu’ici pour accuser