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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/504

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assertions, on s’étonne de les trouver incohérentes et souvent hostiles, En se repoussant l’une l’autre, elles forment entre elles des vides qui arrêtent court celui qui tend vers l’instruction réelle. N’est-ce pas que jusqu’ici on a jugé les productions historiques, comme celles de l’imagination, par entraînement sympathique ; que l’intérêt de curiosité ou l’émotion dramatique ont été les seuls gages de succès ? Cependant l’histoire, sans cesser d’être une œuvre d’art et de sentiment, doit s’élever un jour à la précision d’une science exacte, affirmative. Elle aura son but parfaitement déterminé, sa méthode expérimentale, sa règle de vérification. On peut prédire avec assurance cette révolution. Comme toutes celles qu’un besoin a provoquées, elle est annoncée depuis long-temps par des essais obscurs, par des tâtonnemens instinctifs. Le semestre qui nous occupe a fourni, pour sa part, une Philosophie de l’histoire[1]. C’est la traduction d’un cours professé à Vienne, en 1828, par Frédéric Schlegel. Rattaché par sa conversion à l’école catholique, l’auteur déclare, dès son début, qu’il se propose de réconcilier l’histoire avec la tradition sacrée, en laissant d’ailleurs en dehors de la discussion tout ce qui est article de foi. Un tel programme ne saurait être avoué par la saine logique. C’est conclure avant d’avoir démontré. L’affirmation est évidemment inutile aux croyans, et sans autorité pour ceux qui se montrent jaloux du droit d’examen. Dans les sciences expérimentales, c’est seulement quand les phénomènes particuliers sont hors de doute, qu’on songe à les expliquer par une loi générale de rapports. Une hypothèse est réputée vraie, quand elle donne raison des faits incompris, ou même contradictoires à première vue. Mais dans l’état présent de la science historique, quand presque tous les faits sont matière à controverse, il n’est pas permis de débuter par l’hypothèse. Pour poursuivre notre comparaison entre les deux ordres intellectuels, nous dirons que l’historien doit confirmer par une série d’expériences les résultats problématiques, avant de les coordonner en vertu d’une loi suprême. Ainsi, la méthode à suivre pour constituer une véritable philosophie de l’histoire consisterait à distinguer, dans la série des âges, les faits généraux, organiques, de ceux qui ne sont qu’accidentels, et par conséquent sans valeur probante. Ces points essentiels étant déterminés, il faudrait les controverser successivement, de bonne foi et sans préoccupation de système, et exprimer toutes les solutions acquises par des formules claires et d’une énergique précision. Alors seulement il deviendrait possible d’établir, comme dans plusieurs autres genres d’études, une succession de phénomènes, et de décider enfin si les faits humains ont entre eux un lien logique, nécessaire ; si les puissances en action, dans la sphère de l’humanité sont libres, intelligentes, respon-

  1. Traduction de l’abbé Lechat. 2 vol. in-8o ; prix : 12 fr.