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ponctualité, il n’omit aucun des renseignemens oiseux qui pouvaient être mal interprétés contre moi. Il assura que j’avais toujours été bizarre, brouillon, fantasque, que j’étais sujet à des maux de tête durant lesquels je ne me connaissais plus ; qu’en proie plusieurs fois déjà à des crises nerveuses, j’avais parlé de sang et de meurtre à une personne que je croyais toujours voir, enfin que j’étais d’un caractère tellement emporté, que j’étais capable de jeter n’importe quoi à la tête d’une personne, quoique pourtant je ne me fusse jamais porté, à sa connaissance, à aucun excès de ce genre. Telles sont souvent les dépositions qui décident de la vie et de la mort, en matière criminelle.

Patience fut introuvable le jour de cette enquête. L’abbé déclara qu’il avait des idées si incertaines sur l’évènement, qu’il subirait toutes les peines infligées aux témoins récalcitrans plutôt que de s’expliquer avant un plus ample informé. Il engagea le lieutenant criminel à lui donner du temps, promettant sur l’honneur de ne pas se dérober à l’action de la justice, et représentant qu’il pouvait acquérir au bout de quelques jours, par l’examen des choses, une conviction quelconque ; et en ce cas, il s’engageait à s’expliquer nettement, soit pour, soit contre moi. Ce délai lui fut accordé.

Marcasse dit que si j’étais l’auteur des blessures de Mlle de Mauprat, ce dont il commençait à douter beaucoup, j’en étais du moins l’auteur involontaire. Il engageait son honneur et sa vie sur cette assertion.

Tel fut le résultat de la première information. Elle fut continuée à plusieurs reprises les jours suivans, et plusieurs faux témoins affirmèrent qu’ils m’avaient vu assassiner Mlle de Mauprat après avoir vainement essayé de la faire céder à mes désirs.

Un des plus funestes moyens de l’ancienne procédure était le monitoire ; on appelait ainsi un avertissement par voie de prédication, lancé par l’évêque, et proclamé par tous les curés, aux habitans de leur paroisse, enjoignant de rechercher et de révéler tous les faits qui viendraient à leur connaissance sur le crime dont on informait. Ce moyen était un reflet adouci du principe inquisitorial qui régnait plus ouvertement dans d’autres contrées. La plupart du temps, le monitoire, institué d’ailleurs pour perpétuer au nom de la religion l’esprit de délation, était un chef-d’œuvre