delphie l’avaient appelé, la triste affaire où j’étais inculpé. Il avait rompu des lances avec tous ceux qui me chargeaient, et il n’avait pas perdu un instant pour venir me sauver ou me consoler.
J’épanchai mon ame dans la sienne avec délices, et lui dis ce qu’il pouvait faire pour moi. Il voulait prendre la poste dès le soir même pour Paris, mais je le priai de commencer par aller à Sainte-Sévère me chercher des nouvelles d’Edmée ; il y avait quatre mortels jours que je n’en avais reçu, et Marcasse ne m’en avait d’ailleurs jamais donné d’aussi exactes et d’aussi détaillées que je les aurais voulues. Rassure-toi, me dit Arthur, par moi tu sauras la vérité ; je suis assez bon chirurgien ; j’ai le coup d’œil exercé ; je pourrai te dire vraisemblablement ce que tu dois craindre ou espérer ; de là je partirai immédiatement pour Paris. Il m’écrivit dès le surlendemain une lettre longue et détaillée.
Edmée était dans un état fort extraordinaire. Elle ne parlait pas et ne paraissait pas souffrir, tant qu’on se bornait à lui éviter toute espèce d’excitation nerveuse ; mais au premier mot qui pouvait réveiller la mémoire de ses douleurs, elle tombait en convulsion. L’isolement moral où elle se trouvait était le plus grand obstacle à sa guérison. Elle ne manquait de rien, quant aux soins physiques ; elle avait deux bons médecins et une garde-malade fort dévouée. Mlle Leblanc la soignait aussi, sous ce rapport, avec beaucoup de zèle ; mais cette fille dangereuse lui faisait souvent du mal par ses réflexions déplacées et ses interrogations indiscrètes. Arthur m’assura d’ailleurs que si jamais Edmée m’avait cru coupable et s’était expliquée à cet égard, ce devait être dans une phase précédente de sa maladie, car depuis au moins quinze jours elle était dans un état d’inertie complète. Elle sommeillait souvent, mais sans dormir tout-à-fait ; elle digérait quelques breuvages gélatineux et ne se plaignait jamais ; elle répondait par des signes nonchalans et toujours négatifs aux questions des médecins sur ses souffrances ; elle n’exprimait par aucun signe le souvenir des affections qui avaient rempli sa vie. Sa tendresse pour son père, ce sentiment si profond et si puissant en elle, n’était pourtant pas éteint ; elle versait souvent des larmes abondantes, mais alors elle paraissait n’entendre aucun son ; c’était en vain qu’on essayait de lui faire comprendre que son père n’était pas mort, comme elle semblait le croire. Elle repoussait d’un geste suppliant, non le bruit