sans réserve qu’il donne à Parny, le maître récent du genre, on prévoit qu’il pourra faire entendre, à son tour, quelque nouvel et mol accent. L’élégie chez Millevoye n’est pas comme chez Parny l’histoire d’une passion sensuelle, unique pourtant, énergique et intéressante, conduite dans ses incidens divers avec un art auquel il aurait fallu peu de chose de plus du côté de l’exécution et du style pour garder sa beauté. C’est une variété d’émotions et de sujets élégiaques, selon le sens grec du genre, une demeure abandonnée, un bois détruit, une feuille qui tombe, tout ce qui peut prêter à un petit chant aussi triste qu’une larme de Simonide.
La perle du recueil, la pièce dont tous se souviennent, comme on se souvenait d’abord du Passereau de Lesbie dans le recueil de Catulle, est la première, la Chute des Feuilles. Millevoye l’a corrigée, on ne sait pourquoi, à diverses reprises, et en a donné jusqu’à deux variantes consécutives. Je me hâte de dire que la seule version que j’admette et que j’admire, c’est la première, celle qui a obtenu le prix aux Jeux floraux, et qui est d’ordinaire reléguée parmi les notes. Cette pièce que chacun sait par cœur, et qui est l’expression délicieuse d’une mélancolie toujours sentie, suffit à sauver le nom poétique de Millevoye, comme la pièce de Fontenay suffit à Chaulieu, comme celle du Cimetière suffit à Gray.
Anacréon n’a laissé qu’une page
Qui flotte encor sur l’abîme des temps,