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DE L’INVENTION DE VARRON.

de nuances dans l’original ; chacune de ces planches était appliquée successivement sur une toile de lin, et pressée au moyen d’une pierre cylindrique pesante, qu’on roulait par-dessus.

S’il en est ainsi, voilà l’impression en couleur connue et pratiquée des anciens, car le généreux Varron n’aura sans doute pas voulu faire un secret de l’invention qu’il employait dans l’intérêt de tous. Cette invention, une fois connue, a dû se répandre avec une rapidité proportionnée à son utilité et à son importance.

Ce serait là, je le répète, un fait des plus curieux, et entièrement neuf dans l’histoire de l’art. Présenté par son auteur d’une manière très spécieuse, il est de nature à séduire toute personne qui acceptera ses argumens sans les rapprocher des trois textes qu’il discute, et dont je vais reprendre l’examen. En prouvant qu’ils n’ont pas le sens qu’il leur donne, je montrerai qu’il n’est possible d’accorder aux anciens ni la connaissance ni la pratique du procédé dont il essaie de leur faire honneur.

i.

1er  texte de Pline. J’emprunte l’exacte et élégante traduction de Gueroult, pour qu’on ne pense pas que j’en fais une à ma guise, et je ne cite que les phrases latines qui ont de l’importance

« Je ne dois pas omettre une invention moderne (non est prætereundum et novitium inventum). Depuis quelque temps, on consacre dans les bibliothèques, en or, en argent, ou du moins en airain, les bustes des grands hommes dont la voix immortelle retentit dans ces lieux… Cet usage fut établi à Rome par Asinius Pollion (Asinii Pollionis hoc Romæ inventum), qui, le premier, en ouvrant une bibliothèque publique, rendit le génie des grands écrivains le patrimoine des nations. Je ne pourrais dire si les rois d’Alexandrie et de Pergame, qui se disputèrent la gloire de fonder des bibliothèques, n’ont pas fait la même chose avant lui.

« Plusieurs ont eu la passion des portraits, témoins ce même Atticus, l’ami de Cicéron, qui publia un traité sur ce sujet (imaginum amore flagrasse quosdam testes sunt, et Atticus ille Ciceronis, edito de his volumine), et Marcus Varron, qui, par l’invention la plus généreuse (benignissimo invento), inséra dans ses nombreux ouvrages, non-seulement les noms, mais les portraits de sept cents