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REVUE DES DEUX MONDES.

MATHILDE

Mais, oui ; je n’aime pas les embarras de voitures.

MADAME DE LÉRY

C’est désolant quand on est seule. J’avais beau crier au cocher d’avancer, il ne bougeait pas ; j’étais d’une colère ! j’avais envie de monter sur le siége ; je vous réponds bien que j’aurais coupé leur queue. Mais c’est si bête d’être là, en toilette, vis-à-vis d’un carreau mouillé ; car, avec cela, il pleut à verse. Je me suis divertie une demi-heure à voir patauger les passans, et puis j’ai dit de retourner. Voilà mon bal. — Ce feu me fait un plaisir ! je me sens renaître !

(Elle ôte sa fourrure. Mathilde sonne, et un domestique entre.)
MATHILDE

Le thé. (Le domestique sort.)

MADAME DE LÉRY

M. de Chavigny est donc parti ?

MATHILDE

Oui ; je pense qu’il va à ce bal, et il sera plus obstiné que vous.

MADAME DE LÉRY

Je crois qu’il ne m’aime guère, soit dit entre nous.

MATHILDE

Vous vous trompez, je vous assure ; il m’a dit cent fois qu’à ses yeux vous étiez une des plus jolies femmes de Paris.

MADAME DE LÉRY

Vraiment ? c’est très poli de sa part ; mais je le mérite, car je le trouve fort bien. Voulez-vous me prêter une épingle ?

MATHILDE

Vous en avez à côté de vous.

MADAME DE LÉRY

Cette Palmire vous fait des robes, on ne se sent pas des épaules, on croit toujours que tout va tomber. Est-ce elle qui vous fait ces manches-là ?

MATHILDE

Oui.

MADAME DE LÉRY

Très jolies, très bien, très jolies. Décidément, il n’y a que les manches plates ; mais j’ai été long-temps à m’y faire ; et puis je trouve qu’il ne faut pas être trop grasse pour les porter, parce que sans cela on a l’air d’une cigale, avec un gros corps et de petites pattes.

MATHILDE

J’aime assez la comparaison. (On apporte le thé.)