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UN CAPRICE.

CHAVIGNY

Prenez donc ce thé à votre tour ; il est déjà à moitié froid.

MADAME DE LÉRY

Vous n’y avez pas mis assez de sucre. Mettez-m’en un ou deux morceaux.

CHAVIGNY

Comme vous voudrez, il ne vaudra rien.

MADAME DE LÉRY

Bien ; maintenant, encore un peu de lait.

CHAVIGNY

Êtes-vous satisfaite ?

MADAME DE LÉRY

Une goutte d’eau chaude à présent. Est-ce fait ? Donnez-moi la tasse.

CHAVIGNY, lui présentant la tasse.

La voilà, mais il ne vaudra rien.

MADAME DE LÉRY

Vous croyez ? En êtes-vous sûr ?

CHAVIGNY

Il n’y a pas le moindre doute.

MADAME DE LÉRY

Et pourquoi ne vaudra-t-il rien ?

CHAVIGNY

Parce qu’il est froid et trop sucré.

MADAME DE LÉRY

Eh bien ! s’il ne vaut rien, ce thé, jetez-le.

(Chavigny est debout, tenant la tasse. Madame de Léry le regarde en riant.)
MADAME DE LÉRY

Ah ! mon Dieu ! que vous m’amusez ! Je n’ai jamais rien vu de si maussade.

CHAVIGNY, impatienté, vide la tasse dans le feu, puis il se promène à grands pas, et dit avec humeur.

Ma foi, c’est vrai, je ne suis qu’un sot.

MADAME DE LÉRY

Je ne vous avais jamais vu jaloux, mais vous l’êtes comme un Othello.

CHAVIGNY

Pas le moins du monde ; je ne peux pas souffrir qu’on se gêne, ni qu’on gêne les autres en rien. Comment voulez-vous que je sois jaloux ?