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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/743

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HISTOIRE DU BOUDDHISME.

pareil à ceux dans lesquels les pélerins du moyen-âge racontaient leur visite aux lieux saints. Ce voyage ressemble encore mieux à celui du juif Benjamin de Tudèle, qui, parcourant le monde entier, n’y voit que des juifs. Fa-Hian ne voit et ne cherche que des bouddhistes.

Si cette préoccupation religieuse ôte à la relation de son voyage l’intérêt varié qu’elle pourrait offrir dans un point de vue plus libre et plus étendu, on sent que l’histoire du bouddhisme doit gagner à ce qu’on peut nommer l’idée fixe du voyageur chinois. Or, c’est l’importance d’un tel sujet qui donne un intérêt profond à la relation de Fa-Hian, et qui fait du travail de M. Abel Rémusat un des chapitres les plus instructifs d’une histoire qui reste encore à faire dans son ensemble, et qui sera l’une des plus curieuses et des plus nouvelles que l’on puisse écrire, l’histoire du bouddhisme.

Fa-Hian partit en 499, avec plusieurs autres dévots pélerins, de sa ville natale, située dans une des provinces septentrionales de la Chine, s’avança à travers le grand désert de Tartarie, qu’il appelle le Fleuve de sable, jusqu’au lac de Lop ; puis, revenant au sud et inclinant toujours à l’ouest, il franchit la grande chaîne centrale presque au nord de Cachemir, passa l’Indus, entra dans l’Afganistan et la Perse, rentra dans l’Inde, la traversa de l’ouest à l’est, suivit le Gange jusqu’à son embouchure, s’embarqua pour Ceylan, et revint dans sa patrie en touchant Java. Il avait fait environ trois mille lieues de chemin ; son voyage avait duré seize années.

Dans cette longue course, il perdit plusieurs de ses compagnons : les uns moururent ; un autre, édifié de la sainteté des religieux indiens et la trouvant supérieure à celle des religieux chinois, déclara que, si dans une existence suivante il avait le bonheur de devenir Bouddha, il désirait renaître parmi les premiers ; en attendant il s’y fixa. Mais Fa-Hian, qui voulait propager la doctrine dans son pays, resté seul, continua sa route.

En général son récit n’est qu’un journal assez aride ; les sentimens, les impressions de l’auteur, ne se manifestent presque jamais. On n’en est que plus touché quand on les voit tout à coup apparaître, et quand on sent, avec quelque surprise, un cœur d’homme battre sous la robe du pélerin chinois.

Il interrompt son récit des merveilles religieuses de Ceylan par