Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 10.djvu/759

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
749
HISTOIRE DU BOUDDHISME.

opération compte aux assistans comme s’ils eussent récité la prière. C’est prier à tour de bras. Ce que ne dit pas Fa-Hian, c’est que, dans certains endroits, on a tellement simplifié le travail, que les roues en question tournent par l’effet d’un poids suspendu comme un tourne-broche, ou du vent, comme les moulins. Ces dévots sont pour la prière comme était pour la danse cet envoyé persan qui, dans un bal, s’émerveillait de ces gens qui dansaient eux-mêmes… Eux aussi ont trop de la superbe apathie orientale pour prier eux-mêmes. Les chanoines du Lutrin, qui faisaient louer Dieu par des chantres gagés, n’y entendaient rien en comparaison. On n’a pas besoin de gager une roue ; il ne faut qu’un poids de dix livres ou un souffle de vent pour édifier tout le peuple. Certes les bons pères des Provinciales, malgré leur grande science, n’ont jamais porté à cette perfection l’art de la dévotion aisée. Il ne manque à cette sublime invention bouddhique que l’application de la machine à vapeur : mais les Anglais sont dans l’Inde, et il ne faut désespérer de rien.

Tous ces rapprochemens, les uns tenant à la nature des idées, les autres accidentels et fortuits, se présentent d’eux-mêmes à ceux qui passent de l’étude du christianisme à l’étude de la religion de Bouddha. En signalant quelques-uns des plus frappans, mon intention était surtout de faire sentir aux lecteurs l’importance de cette publication, et, en général, de tout ce qui peut, comme elle, éclairer l’histoire du bouddhisme. Il faut qu’on s’accoutume à donner une grande place dans l’histoire de la civilisation à cette doctrine, dont le nom était ignoré il y a un siècle ; et il faut qu’elle prenne son rang à côté des grandes religions qui ont si puissamment influé sur les destinées humaines. Traditions vénérables par leur antiquité, et puissance réformatrice, action morale et politique, théâtre immense et varié, profondeur de doctrine et richesse de fiction, église organisée, monachisme innombrable, pratiques touchantes et superstitions bizarres, rien ne lui manque de tout ce qui peut solliciter cette curiosité qui se plaît à étudier les grands et compliqués phénomènes de l’esprit humain. On ne peut nier que son histoire n’offre un certain parallélisme avec l’histoire de la religion chrétienne. Comme celle-ci, le bouddhisme s’est détaché d’une religion antérieure, par rapport à laquelle il a été un immense progrès. Il a proclamé aussi que tous étaient