ici pour prendre possession du royaume ! (Puis se tournant vers Hagbarth). N’est-il pas vrai, dit-elle, c’est une jouissance pour le guerrier de faire fléchir l’orgueil d’une femme ! Mais les Ases écouteront les prières de Bera ; tu tomberas sous l’épée de mes fils ; tu tomberas dans les ombres du soir sur le gazon obscur. Les corbeaux voltigeront autour de toi, effrayés à l’aspect de ton cadavre, mais avides de dévorer ton cœur. Viens, ma fille. Alf, Alger, adieu. J’ai retenu mes larmes ; j’ai dompté ma douleur ; domptez aussi votre ennemi. »
Le combat s’engage. Alger succombe. Bera, en apprenant la mort de son fils, rugit de colère comme une tigresse. Elle a promis de laisser Hagbarth retourner librement dans son pays. Elle est fidèle à sa promesse, mais elle jure de se venger.
Hagbarth revient. Il a vu Signe, la fille de Bera, il l’aime et il en est aimé. Bera le surprend au moment où il est seul avec la jeune fille. Elle appelle ses guerriers et le fait charger de chaînes. Mais Hagbarth rompt ses chaînes, tire son glaive et se prépare à combattre. « Attendez, dit Bera, je connais un lien qu’il ne brisera pas. » Elle coupe une tresse de cheveux de Signe et la donne à ses satellites. Hagbarth alors ne leur oppose plus aucune résistance. Il tend lui-même les mains à ce lien d’amour et le couvre de baisers. On le condamne à mort. Il se tue. Signe prend sa robe de noce, met une couronne de fleurs sur sa tête, et s’empoisonne pour suivre au tombeau celui qu’elle a aimé.
Palnatoke et Stœrkodder sont deux autres types, plus énergiques encore et plus vrais peut-être, de l’intrépide courage du Vikingr et de la loyauté chevaleresque du soldat scandinave. Dans Palnatoke, il n’y a point de rôle de femme. Tout le drame se passe entre des hommes qui se disputent la royauté et qui s’égorgent, et toutes les scènes qui y sont tracées causent une impression de douleur et d’effroi. C’est une plaine sauvage sans verdure. C’est un ciel sans étoiles.
Mais le chef-d’œuvre de tous ces drames scandinaves, c’est Hakon Jarl. Œhlenschlœger l’écrivit très jeune, et jamais, dans aucune de ses pièces, il n’a mis plus de sève, plus de force, plus de chaleur. Ce drame représente une des grandes phases historiques du Nord. Deux personnages mémorables en sont les héros ; deux grandes idées y luttent l’une contre l’autre. D’un côté, Hakon Jarl,