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REVUE. — CHRONIQUE.

gîtes houilliers du Bocage vendéen. Le parti légitimiste, qui se réduit chaque jour, a beau détourner la tête avec humeur du banquet de Versailles, il aura sa part, malgré lui, du grand banquet des améliorations matérielles qui va avoir lieu, et l’exploitation des houilles de la Vendée, encouragée par le gouvernement, achèvera de porter la prospérité dans un des départemens les plus intéressans et long-temps le plus négligé de la France.

Jamais les questions d’intérêt matériel n’auront tenu tant de place dans la fin d’une session. Hier encore, les chambres votaient, avec quelques réductions, des projets de loi relatifs à la navigation de la Seine, de l’Yonne, de la Charente et du Lot, au perfectionnement du chemin de hallage et du lit de la rivière depuis Paris jusqu’à Rouen. Dans ces dernières discussions, l’opposition de M. Jaubert, qui ne fait que commencer, comme il le disait si bien à la tribune, n’a trouvé que peu d’écho dans la chambre, où le parti doctrinaire a reçu un nouvel échec par la publicité donnée à l’étrange emploi des fonds destinés à l’encouragement des lettres fait par M. Guizot.

Il reste encore à la chambre d’importans travaux à voter ; nous parlons des chemins de fer, et il faut espérer qu’elle ne se séparera pas avant d’avoir voté le chemin de fer de Paris à Bruxelles, que soumissionne M. Cockerill. Le gouvernement belge a déja autorisé la construction de ce chemin jusqu’à nos frontières, et si les chambres renvoyaient à une autre session cette importante question, il se pourrait que la Belgique, si ardemment sollicitée de se jeter dans le système de douanes de la Prusse, se dirigeât de ce côté, et que nos rapports commerciaux avec cette jeune puissance ne fussent atteints d’une manière irréparable. Ce serait mal choisir le moment de s’éloigner de la Belgique que celui où la chambre des représentans belges vient de se livrer à l’examen d’un projet de loi qui doit introduire dans le tarif de douanes de ce royaume des modifications favorables à la France. On sait combien les rapports commerciaux des deux pays sont établis sur des principes hostiles. Les premiers pas ont été faits de notre côté, en 1835, par la levée des prohibitions sur les tapis et les tulles belges, par la diminution des droits sur les toiles, par l’abaissement des taxes sur la houille, le fer, le cuivre et le zinc, et par plusieurs autres mesures empreintes d’un esprit de libéralisme et de générosité. La Belgique semble apprécier aujourd’hui ces procédés. C’est du moins dans cet esprit que se trouve conçu le projet de loi soumis à la chambre des représentans, qui tend à abolir les prohibitions portées sur nos draps et nos verreries, et à diminuer les droits sur la bonneterie, les porcelaines, et un grand nombre de produits français. Nous attendons même qu’un traité spécial au sujet de la contrefaçon littéraire, qui nuit si cruellement à la librairie française, sans donner de grands bénéfices au commerce belge, si on peut appeler le vil trafic de la contrefaçon un commerce, sera négocié avec le gouvernement belge, à l’époque où le projet de loi dont nous parlons (ajourné au mois d’août) sera de nouveau soumis à l’examen des représentans. La chambre des députés sentira sans doute la nécessité d’établir la voie de communication la plus rapide avec la Belgique, et quelques heures données au projet de loi du chemin de fer auront un grand résultat pour la France.