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LES DEUX MUSES.

La foule bruyamment accourt de toutes parts.
Vois, là-bas, aussi loin que plongent tes regards,
Par les mille quartiers de la joyeuse ville,
Ces carrosses dorés qui marchent à la file :
C’est pour moi tout ce luxe et tout cet appareil,
Et cette multitude à la suite empressée,
Vient voir à l’horizon se lever mon soleil.
Voici le roi courbé sous sa triste pensée,
Qui va pour un moment oublier, dans mes bras,
La rude politique et la haine insensée,
Comme une ombre livide attachée à ses pas.
Voici la jeune fille ardente, et sous le charme
D’un motif qu’un beau soir de printemps j’ai chanté,
Et que depuis, hélas ! je n’ai plus répété
Sans voir, dans sa paupière, éclore quelque larme ;
Bel ange de candeur et de sérénité,
À qui seule peut-être, en cette amère vie,
J’ai révélé l’amour avec la mélodie…
Mais la brise du soir souffle dans mes cheveux,
De même qu’un instant avant l’aube vermeille
La nature assoupie en frémissant s’éveille,
Et laisse s’exhaler des bruits mystérieux ;
Ainsi l’orchestre ému frissonne à ma venue,
Et ses vibrations, qui montent dans la nue,
Couvrent déjà les bruits de la plaine et des bois.
Adieu ! ma cantatrice, au fond du sanctuaire,
Appelle sa déesse, et je vais, sur la terre,
À ce monde en travail porter l’ame et la voix.


LA POÉSIE.


L’étoile de la nuit se lève, et la rosée,
Sur ma robe de lin, tombe du firmament.
Voici l’heure de l’ame et du recueillement,
L’heure des souvenirs, l’heure de la pensée.
Là-bas dans la prairie, au fond du frais sentier
Qui borde le ruisseau vers l’endroit où la terre
Humide épanouit la moisson printanière
Des clochettes d’argent qui poussent par millier,