Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
LES VOIX INTÉRIEURES.

tutions qui la régissent, quelques hommes de vingt ans, résolus à la lecture des Orientales et au dédain de tous les poèmes qui les ont précédées, sont bien peu de chose. Avoir rêvé un royaume et n’avoir pas même une principauté allemande ! Quel désappointement, mais aussi quelle colère ! C’est dans Olympio qu’il faut chercher l’expression des sentimens qui animent M. Hugo. Déjà, dans les Feuilles d’automne, il avait préludé à l’hymne qu’aujourd’hui il se chante à lui-même ; mais il était loin encore de l’adoration religieuse qu’il professe maintenant pour l’ensemble de ses œuvres. Quand il conseillait à lord Byron de prendre en pitié ses ennemis et de ne pas descendre jusqu’à regretter les amis qui se détachaient de lui, il est hors de doute qu’il avait pour interlocuteur sa propre conscience ; car il n’est pas probable que M. Hugo ait pu, en 1830, se reporter par la pensée vers les souffrances que Byron éprouvait en 1811. D’ailleurs, en 1811, Byron n’avait pas encore acquis le droit de dédaigner ses ennemis, car il n’avait pas publié les deux premiers chants du Pélerinage. La pièce à Olympio n’est donc qu’une transformation de la pièce adressée à Byron dans les Feuilles d’automne ; je me plais à reconnaître que la colère de M. Hugo, en vieillissant, n’a rien perdu de sa vigueur ni de son éloquence. Il est fâcheux que le nom d’Olympio soit un nom absolument impossible ; mais l’intention de M. Hugo, en créant ce barbarisme, est assez manifeste pour que nous négligions d’insister sur cette faute légère. Il est évident que dans sa pensée, l’idée du poète, c’est-à-dire de lui-même, s’associe à l’idée du Jupiter de Phidias, du Jupiter Olympien. Comme il eût été de mauvais goût de dire : Je suis le premier homme de mon temps, et ceux qui ne m’admirent pas selon la mesure de mon ambition ne méritent pas d’entendre ma parole, M. Hugo s’est souvenu fort à propos de la ruse employée par le duc de Sully. L’ami du Béarnais avait imaginé de placer dans la bouche de ses secrétaires le récit des choses mémorables qu’il avait faites, et de cette façon il conciliait les joies de la vanité avec l’apparence de la modestie. M. Hugo, à l’exemple de Sully, se divise en deux personnes. Il se met sur un trône, et s’appelle, sans respect pour la langue italienne, Olympio ; puis, sur les marches du trône, il place un ami d’Olympio, c’est-à-dire un autre Olympio, et cet ami, le seul qui s’entende à louer dignement son Sosie, adresse à Olympio une longue suite de consolations qui tiennent à la fois du psaume, du cantique et de la prière. David et Salomon, s’adressant à Dieu, ne parlaient pas autrement. Avant la venue d’Olympio, le monde était dans les ténèbres et la