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DE LA RUSSIE.

clare les seuls membres des six premières classes aptes à remplir ces charges, et de la noblesse étrangère admise au service de Russie.

Il faut ajouter aux priviléges de la noblesse, outre le droit de posséder des terres avec des paysans, celui de posséder des serfs sans terres, et de leur vendre la liberté, d’ajouter le nom de la terre au nom de la famille, et de posséder dans ses domaines tout ce qui est sur la terre, sous la terre, dans l’air et dans l’eau. La noblesse a encore le droit de posséder exclusivement certaines charges et dignités civiles dans les gouvernemens de la Russie, d’élire elle-même à quelques-unes de ces charges, et de présenter des candidats pour les autres. Ce privilége important a été encore renouvelé et étendu en faveur des services rendus par la noblesse dans la dernière guerre de Pologne, dit l’ukase du 18 décembre 1831, qui laisse à l’élection libre des nobles, non pas seulement, comme jadis, quelques places dans les tribunaux des provinces, mais les charges de président et celles de maréchaux de la noblesse dans les gouvernemens.

Je citerai ici deux ukases de l’empereur Nicolas qui feront juger la direction intérieure de son gouvernement. Par un de ces ukases, l’empereur défend aux grands propriétaires de distribuer fictivement leurs paysans, comme ils le faisaient, pour multiplier le nombre de voix dont ils disposent dans les élections de la noblesse ; par l’autre, il est permis aux petits propriétaires de réunir, au contraire, leurs paysans pour former le nombre de cent, qui donne une voix dans les élections, et de déférer ce droit de vote à l’un d’eux. Chacun de ces ukases est un acte direct contre la grande propriété.

Quant à la noblesse polonaise, et particulièrement à la noblesse de second rang, qui se composait de plus de cent mille personnes, elle a été abolie par suite de la part qu’elle a prise à l’insurrection polonaise de 1830 et 1831, et réduite à ceux de ses membres qui possèdent des biens nobles, lesquels membres sont en petit nombre. Les autres retombent dans la classe des tenanciers (odnowores), s’ils habitent la campagne, et des bourgeois (porvozechüy), s’ils habitent les villes. Ils peuvent, à la vérité, changer de résidence, mais ils sont soumis dorénavant au service militaire. — Affreux et subit changement de condition qui explique l’impossibilité où se trouveraient la plupart des émigrés polonais de retourner dans leur patrie, même si on leur en ouvrait les portes !

La noblesse formée dans la Russie d’Europe, à ces diverses conditions, se compose d’environ neuf cent mille personnes, divisées en deux cents à deux cent vingt mille familles, ainsi la soixante-unième