Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
DE LA RUSSIE.

vaisseaux de ligne commandés par un officier formé à notre service, l’amiral Lazareff. Il passe pour tenir son escadre dans le meilleur ordre. Mais sans parler de la flotte de la mer Noire, je crois pouvoir dire que vingt-six vaisseaux de ligne, avec des frégates et des bâtimens légers en proportion, montés par trente mille hommes, et munis de quatre mois de vivres, constituent une puissance assez imposante et assez prête à agir pour que je doive, moi Anglais, essayer d’attirer l’attention de mes compatriotes et sur ce point et sur l’état d’impuissance où nous laissons notre marine[1].

J’ajouterai quelques mots au témoignage de M. Craufurd, pour en finir de la question du matériel de la marine russe.

On a dit que les vaisseaux russes ne peuvent durer plus de sept ans, et j’ai entendu cette assertion sortir de la bouche même de M. l’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg. Il y a évidemment erreur dans cette opinion, et il est impossible d’oublier que le port de Riga appartient à la Russie. Or, on sait de quelle manière se fait le commerce de bois de construction (de mâture et autres), dont Riga approvisionne un grand nombre de chantiers de l’Europe. Autrefois ces bois venaient des forêts de la Lithuanie, mais comme ces forêts ont diminué par les coupes mal réglées, depuis plus de vingt ans, on exploitait à cet effet les forêts du gouvernement de Minsk, et depuis dix ans, les bois de construction de Riga viennent par le Dnieper et la Bérézina, d’où on les passe dans la Duna, des gouvernemens de Tschernigoff et Kieff, c’est-à-dire du cœur même de la Russie. Ce bois se dirige aussi maintenant par le Dniester sur Kherson, où il arrive rapidement. Il coûte peu de transport, puisqu’on l’abandonne au courant des fleuves, et servira désormais aux constructions des chantiers de la mer Noire. Le gouvernement russe a envoyé récemment à Kherson un trieur de bois de Riga, et des ouvriers lithuaniens, pour mettre le commerce de bois sur le même pied que dans cette ville. Ces trieurs jurés de Riga sont célèbres. Ils forment une corporation, qui répond de la bonne qualité de la marchandise. L’un d’eux se rend toujours sur les lieux où se fait la coupe, et choisit lui-même le bois, qui est revu de nouveau à Riga, et marqué de l’estampille de la compagnie. Les commandes se font ainsi de tous les ports de l’Europe à Riga, avec une confiance aveugle, et comme les choix du gouvernement russe dans les forêts de la couronne et autres sont contrôlés par des agens tirés de cette compagnie,

  1. The Russian fleet, etc., pag. 10 et suiv.