Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
267
REVUE. — CHRONIQUE.

la dissolution de la chambre, ou de la question d’Afrique, ou des affaires d’Espagne, ou de toute autre chose, il n’importe. La chose importante est que la division existe, ou qu’elle ait lieu bientôt. C’est la consolation qu’on se donne en attendant le grand jour des troubles, qui arrivera infailliblement. Nous sommes bien fâchés de ravir cette consolation aux doctrinaires ; mais M. de Montalivet et M. Molé, tombés tous deux, le même jour, dans leur disgrace, et par le même motif, se sépareraient moins que jamais au moment de les combattre en bataille rangée, dans les élections, comme ils se le proposent. Le parti doctrinaire a nié le mouvement à ce cabinet, et il a marché ; il l’a défié de faire quelques actes importans, le ministère en a fait aussitôt plusieurs, que le parti doctrinaire n’eût jamais osé faire ; et, maintenant, il se dispose à se présenter face à face à ses adversaires, et à faire loyalement décider la question entre eux et lui. Et devant ce défi, les doctrinaires se bornent à comploter tout bas et à chercher des germes de division parmi les membres du ministère ! N’avions-nous pas dit avec raison, il y a deux mois, qu’on verrait bientôt de quel côté se trouvent l’action, le courage, la résolution, et qui sont les timides et les faibles de ceux qui accusent chaque jour les autres de lâcheté et de poltronnerie, et de ceux qui poursuivent leur route en dédaignant de répondre.

Le Journal de Paris, si largement doté par les doctrinaires, rédigé aujourd’hui par toutes les fortes têtes du parti, doit être regardé comme son organe. Après avoir renié le Journal de Paris quand ils étaient au pouvoir, les doctrinaires l’adoptent et le soutiennent aujourd’hui. Or, le Journal de Paris professe toujours les mêmes principes ; rien n’a changé dans cette feuille, ni ses idées, ni son langage. Si ces idées appartiennent aujourd’hui au parti doctrinaire, il faut que ce parti ait changé lui-même d’idées, ou, ce qui est plus vrai, qu’il les ait dissimulées lorsque ses membres les plus influens faisaient partie du ministère. La situation actuelle vaut mieux des deux parts ; elle est plus franche, plus nette, et les élections la rendront encore plus claire.

En cherchant donc, dans l’organe officiel, les idées du parti sur les élections, nous y trouvons une longue discussion où l’on montre tout le danger des mandats impératifs. Nous ne sommes pas des partisans absolus de cette manière de régler les rapports d’un député avec ses électeurs. Nous en sentons tous les inconvéniens. Mais sans adopter le principe du mandat impératif, il nous semble juste de reconnaître aux électeurs la faculté de donner au député de leur choix un mandat en quelque sorte conditionnel. N’est-il pas juste, en effet, que les électeurs s’entendent avec le député sur les principes que celui-ci doit défendre à la chambre, et la profession de foi exigée des députés n’est-elle pas déjà une sorte de traité entre les contractans ? Que serait-ce donc, si cette sortie contre les mandats se trouvait motivée par un fait qui intéresserait autant le parti que l’élection de M. Duchâtel au Havre ? M. Duchâtel, on le sait, fut élu par un arrondissement où sa famille possède de grandes propriétés ; mais une élection au Havre,