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plus est, nous ne l’aurons pas, pour bien des raisons que nous ne voulons pas dire. Cependant nous en dirons bien une : c’est que le régime constitutionnel n’est pas tout-à-fait celui des grandes choses, et surtout des grandes choses par la guerre. Honni soit qui mal y pense ! Nous ne voulons pas de mal au régime constitutionnel ; mais il faut bien le dire, une commission du budget calcule trop exactement ce que coûteraient la grandeur et la gloire, et trouve le plus souvent qu’elles coûtent trop cher. Alger s’en est cruellement ressenti ; les économiseurs de la chambre lui ont fait une guerre plus terrible que les Arabes, et pour peu que cela dure, nous nous trouverons, sans nous en douter, réduits à l’impuissance de tenter quelque grande entreprise ou de soutenir quelque grand choc. Aussi, je ne ferais pas de propagande constitutionnelle par amour de la liberté et de l’humanité ; mais je voudrais, comme le renard de la fable, que tout le monde eût la queue coupée. Voyez l’Angleterre. N’a-t-on pas été obligé de lui faire, pendant deux ans, des contes à dormir debout sur les progrès et les desseins de la Russie, pour obtenir de sa chambre des communes qu’elle ne laisse pas périr sa marine, qui est la vie de l’Angleterre et l’indispensable élément de sa puissance ? Je ne sais trop de quoi il faudra nous faire peur, à nous Français ; mais il faudra nous faire peur de quelque chose, pour que nous ne nous contentions pas d’être heureux et libres dans le présent, mais pour que nous éprouvions aussi le besoin d’être grands et forts, afin d’assurer l’avenir, et pour que le monde qui les oublierait, si on n’y prenait garde, ne perde pas de vue trop long-temps les couleurs de notre glorieux pavillon.

Nous voilà un peu loin d’Alger et du traité de la Tafna. Nous n’avons pas l’intention d’y revenir, mais encore un mot, et nous en finissons avec l’Afrique.

L’expédition de Constantine est résolue. C’est bien. Nous avons là une injure à venger. Elle sera vengée, nous l’espérons. Le ministère apporte la plus louable activité à tout disposer pour le succès de la campagne. Quand nous aurons pris Constantine et humilié Achmet-Bey, nous pourrons faire la paix. Alors commencera dans toute l’étendue de la régence une grande et solennelle épreuve du système pacifique. Mais c’est alors aussi qu’il faudra bien se tenir en garde contre les économiseurs de la chambre, si l’on veut fonder en Afrique une puissance durable et un établissement sérieux. Des économies, on pourra en faire, et c’est un des bons résultats de la paix, sur l’entretien des troupes, qui coûtera moins cher à mesure que la culture s’étendra autour de nos places fortes, et quand les Arabes viendront à l’envi approvisionner nos marchés. Mais qu’on ne diminue pas l’effectif des troupes, comme si la France succombait sous ce fardeau, et qu’on épargne aux Arabes, dont il faudra encore se défier long-temps, la dangereuse tentation de nous rejeter dans la mer en nous voyant affaiblis.

Pendant que la royauté de juillet s’affermissait par l’amnistie, et que la France saluait dans le mariage du duc d’Orléans, un nouveau gage de force et de perpétuité ; pendant qu’un ministère conciliateur cherchait à rallier