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POLITIQUE D’ARISTOTE.

trent, dès le début du philosophe, tout son génie littéraire dans son étendue et ses contrastes : nous voulons parler du Phèdre et du Protagoras. Dans le premier, on trouve les grandes allures de l’ode et de l’épopée ; dans le second, vous avez le divertissement sérieux de la haute comédie ; comment le public d’Athènes n’aurait-il pas accueilli une sagesse si magnifiquement habillée ?

Il siérait peu de parler de Platon avec une brièveté trop leste ; marquons seulement sa place. Il a réveillé l’idéal dans les têtes humaines, après que Socrate eut réveillé le bon sens ; au milieu des variétés anarchiques du polythéisme, il a rappelé l’unité fondamentale du monde et de Dieu ; pendant qu’Alexandre se préparait à porter, au fond de l’Asie, l’esprit et les armes de l’Occident, il introduisait le génie de l’Orient dans Athènes, et, comme un autre Cécrops, il importait dans l’Attique les élémens divins de la science et de la société.

À Stagire, colonie grecque de la Thrace, naquit Aristote dans la première année de la quatre-vingt-dix-neuvième olympiade. Il eut pour père un médecin célèbre, nommé Nicomaque, qui fut assez avant dans la faveur d’Amynthas, roi de Macédoine, et qui avait écrit quelques ouvrages sur l’histoire naturelle et la médecine. Orphelin de fort bonne heure, Aristote dut son éducation à Proxène d’Atarnée qui lui fit étudier les sciences. Dès le début, la biographie du philosophe devient incertaine et contestée. Quelques-uns ont écrit qu’il eut une jeunesse orageuse, qu’ayant dissipé son patrimoine en de folles fantaisies, il prit le parti des armes, puis se livra au commerce, et se mit à vendre des médicamens. Mais, dit Athénée, qui, avec Élien, rapporte ces bruits, Épicure est le seul qui ait ainsi parlé d’Aristote, car ni Eubule, ni même Céphisodore, n’ont osé rien dire de pareil au sujet du Stagirite, quoiqu’ils aient publié des écrits contre lui[1]. Une autre tradition veut que dès l’âge de dix-sept ans, Aristote se soit rendu à Athènes, auprès de Platon, pour se livrer à l’étude de la philosophie. Il y resta vingt ans ; là, il étudia le système, les idées de son maître, et aussi la médecine. Ici les histoires recommencent sur son compte ; il était désagréable à Platon par la recherche de sa mise et la causticité de son esprit[2] ; quand son maître fut affaibli par l’âge, il l’embarrassa par des questions captieuses, et le contraignit à se priver de ses promenades dans les

  1. Athénée, liv. viii.
  2. Élien, liv. iii, chap. xix.