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POLITIQUE D’ARISTOTE.

tional. Aristote pourra s’employer auprès de Philippe et d’Alexandre pour relever la ville qui lui a donné le jour ; mais, après l’avoir quittée à dix-sept ans, il n’y reviendra jamais, pas plus que Goëthe n’a remis le pied dans Francfort. Après le bon sens, après l’idéal, voici venir l’universalité, qui a pour organe un homme en dehors du Péloponèse et de l’Attique, comme, dans la littérature historique, Hérodote d’Halycarnasse, dont les Muses sont une sorte d’histoire générale, oppose son origine asiatique à Thucydide et à Xénophon, qui sont Athéniens.

Aristote, succédant à Socrate et à Platon, avait le devoir et il eut la force d’embrasser l’universalité des choses. Il constitua pour des siècles la science et la philosophie. À côté de la théorie des idées de Platon, il éleva une critique de l’entendement, dans laquelle il distingua la science et l’intelligence de l’opinion et du raisonnement ; voilà pour l’anatomie de la raison. L’homme social n’attira pas moins l’attention d’Aristote, et les cent cinquante-huit constitutions des différens états de la Grèce et de l’Italie qu’il avait recueillies témoignent de sa résolution de n’affirmer et de ne conclure qu’après avoir tout étudié ; voilà pour l’étude comparée des institutions politiques. Enfin, par ses travaux en zoologie, dont sa célèbre histoire des animaux ne forme qu’une partie, il s’est emparé de la nature, et a fondé la science de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire. Suivez Aristote partout, dans la critique de l’art, de la poésie, de l’éloquence, comme dans la critique de l’homme abstrait, de la société et de la nature, vous lui trouverez autant de justesse que d’étendue, et non moins de finesse que de profondeur. C’est un généralisateur admirable. À travers les faits qu’il a pénétrés de toutes parts, il s’élève à des formules vraies, à des résultats féconds ; de la réalité qu’il a sous les yeux et de ses propres appréciations il fait un tout indivisible ; dans Aristote, l’individu ne domine pas ; dans cet homme est le monde, mais le monde expliqué, le monde compris.

Aussi quelle fortifiante nourriture pour l’esprit que le péripatétisme ! Là vous étudiez à nu les raisonnemens, les opinions ; vous suivez l’enchaînement des choses et des idées humaines, et vous vous trouvez à leur extrémité face à face avec cette haute formule qui est la dernière conclusion de la métaphysique d’Aristote : « Le premier principe ou Dieu est la pensée éternelle, pensée dont le caractère essentiel est d’être la pensée de la pensée. » Avec le Stagirite les voiles tombent, les illusions disparaissent ; les défaillances et les superstitions de l’esprit ne sont plus possibles ; et si vous avez un peu