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fournira, le plus possible, tous les genres de productions. La position de la cité doit être également bonne et par terre et par mer. La mer permet d’importer ce que le pays ne produit pas, et d’exporter les denrées dont il abonde. L’état doit avoir une force navale proportionnée au développement même de la cité.

Voilà les limites numériques du corps social ; quelles sont les qualités naturelles requises dans ses membres ? Les peuples qui habitent les climats froids, dit Aristote, les peuples d’Europe sont, en général, pleins de courage ; mais ils sont certainement inférieurs en intelligence et en industrie ; et s’ils conservent leur liberté, ils sont politiquement indisciplinables, et n’ont jamais pu conquérir leurs voisins. En Asie, au contraire, les peuples ont plus d’intelligence, d’aptitude pour les arts ; mais ils manquent de cœur, et ils restent sous le joug d’un esclavage perpétuel. La race grecque qui, topographiquement, est intermédiaire, réunit toutes les qualités des deux autres : elle possède à la fois l’intelligence et le courage ; elle sait en même temps garder son indépendance et former de bons gouvernemens ; capable, si elle était réunie en un seul état, de conquérir l’univers.

On ne pouvait mieux apprécier la Grèce, son génie, et les divisions qui faisaient sa faiblesse. Il est remarquable au surplus que le précepteur d’Alexandre a une forte aversion pour la guerre. Il se plaint que les gouvernemens les plus vantés de la Grèce, comme les législateurs qui les ont fondés, ne paraissent point avoir rapporté leurs institutions à une fin supérieure, ni dirigé leurs lois et l’éducation publique vers l’ensemble des vertus ; ils n’ont songé qu’à celles qui semblent devoir assouvir l’égoïsme de l’ambition. Aristote critique la constitution de Lacédémone que le fondateur a tournée tout entière vers la conquête et la guerre. Quelle meilleure preuve que le philosophe, dans la sincérité incorruptible de ses pensées, n’a jamais songé à flatter le fils de Philippe et de Jupiter ? Et cependant les conquêtes d’Alexandre n’étaient pas moins raisonnables que glorieuses.

Trois choses peuvent rendre l’homme vertueux et bon : la nature, les mœurs et la raison ; il faut que ces trois choses s’harmonisent entre elles, et souvent la raison combat la nature et les mœurs, quand elle croit meilleur de secouer leurs lois. Voilà comment Aristote se prépare à traiter de l’éducation ; mais avant il parle du mariage, dont il détermine l’époque à dix-huit ans pour les femmes, à trente-sept ou un peu moins pour les hommes. Il entre dans des dé-