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POLITIQUE D’ARISTOTE.

Le septième livre est destiné à épuiser l’organisation spéciale du pouvoir, dans la démocratie et dans l’oligarchie, ainsi qu’à l’énumération des différentes magistratures politiques. On y voit comment, dans la démocratie, chacun doit commander et obéir à son tour, comment toute fonction doit être rétribuée. La démagogie est vivement censurée. Ceux qui ont le pouvoir dans les oligarchies sont invités à dépenser leur fortune dans l’intérêt public ; mais, dit Aristote, les chefs des oligarchies font aujourd’hui tout le contraire, ils cherchent le profit plus que l’honneur, et l’on peut dire avec vérité que ces oligarchies ne sont que des démocraties réduites à quelques gouvernans.

THÉORIE DES RÉVOLUTIONS.

Pendant qu’Alexandre en Asie donnait aux affaires et aux rapports du monde une tournure nouvelle, Aristote, dans Athènes, méditait sur le passé de la Grèce. Les révolutions multipliées, les changemens infinis qui depuis les temps héroïques avaient agité les cités grecques, venaient enfin se réfléchir dans la vaste pensée d’un philosophe pour s’y faire juger. L’esprit humain, pour la première fois, esquissait la théorie des révolutions et trouvait la force d’arracher à des faits irréguliers et turbulens des leçons théoriques qu’il léguait à l’avenir. Les révolutions apparaissent à la fin du traité d’Aristote, comme un dénouement tragique, et la méthode s’élève ici à la poésie. Pour achever ce chef-d’œuvre de philosophie politique, l’histoire vient apporter ce qu’elle a de plus pathétique en évènemens, en péripéties, et la raison redouble d’énergie pour dominer le spectacle qu’elle se donne à elle-même et aux autres.

Il est une cause première à laquelle il faut rapporter toutes les révolutions : les systèmes politiques, quelque divers qu’ils soient, reconnaissent des droits et une égalité analogues à leur principe, mais tous s’en écartent dans l’application. La démagogie est née presque toujours de ce qu’on a prétendu rendre absolue et générale une égalité qui n’était réelle qu’à certains égards ; l’oligarchie, de ce qu’on a prétendu rendre absolue et générale une inégalité qui n’était réelle que sur quelques points. Les uns, forts de cette égalité, ont voulu que le pouvoir politique, dans toutes ses attributions, fût également réparti ; les autres, appuyés sur cette inégalité, n’ont pensé qu’à accroître leurs priviléges, et les augmenter, c’était augmenter l’inégalité. Tous les systèmes, bien que justes au fond, sont donc tous radicalement faux dans la pratique.