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POLITIQUE D’ARISTOTE.

Dans les aristocraties, la révolution peut venir d’abord de ce que les fonctions publiques sont le partage d’une minorité trop restreinte, car l’aristocratie est aussi une sorte d’oligarchie. La misère extrême des uns, l’opulence excessive des autres, conséquence assez ordinaire de la guerre, sont encore des causes de bouleversemens. Ajoutez-y l’infraction même du droit politique, tel que le reconnaît la constitution. Voilà pourquoi les formes démocratiques sont les plus solides de toutes, parce que c’est la majorité qui domine, et parce que l’égalité dont on y jouit fait chérir la constitution qui la donne. Le plus souvent, dans les aristocraties, les révolutions s’accomplissent d’une manière insensible et par les causes les plus minces. On néglige d’abord un point de la constitution sans importance, puis on arrive avec moins de peine à en changer un plus grave, jusqu’à ce qu’enfin on en vienne à changer le principe tout entier.

Enfin, les états sont exposés aux révolutions quand ils ont à leurs portes un état constitué sur un principe opposé au leur, ou bien quand cet ennemi, tout éloigné qu’il est, possède une grande puissance. Voyez la lutte de Sparte et d’Athènes. Partout les Athéniens renversaient les oligarchies, les Lacédémoniens les constitutions démocratiques.

Maintenant quels sont les moyens de conservation ? La connaissance des causes qui ruinent les états, implique la connaissance des causes qui les conservent. Il faut d’abord ne pas déroger à la loi ; l’illégalité mine sourdement l’état. En second lieu, il ne faut pas se fier à ces ruses politiques qu’on emploie contre le peuple, et que l’expérience condamne si hautement. La courte durée des fonctions est aussi un moyen de prévenir, dans les aristocraties et les oligarchies, la domination des minorités violentes. Un puissant moyen de conservation politique est encore dans la mobilité du cens, qu’il faut élever proportionnellement au niveau de la richesse publique, si elle est accrue, ou, en cas de diminution, réduire dans une mesure égale. Il faut aussi empêcher qu’aucune supériorité monstrueuse ne s’élève dans l’état. Une magistrature doit être chargée de veiller sur ceux dont la vie est peu d’accord avec la constitution, dans la démocratie avec le principe démocratique, dans l’oligarchie avec le principe oligarchique[1]. Il faut aussi que les fonctions publiques n’enrichissent jamais ceux qui les occupent, car les citoyens s’indignent de penser que les magistrats volent les deniers publics, et ils

  1. Idée de la censure romaine.