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le marbre sculpté de la réalité vivante ; mais, pour peu qu’on prenne la peine de comparer le buste au modèle, on s’aperçoit bien vite que le mérite principal de M. David consiste à interpréter la nature pour lutter avec elle. La jeune fille qui épèle du doigt le nom de Marco Botzaris se recommande par le même mérite. En effet, l’âge de cette jeune fille est celui qui offre à la statuaire les difficultés les plus nombreuses. Dans le passage de l’enfance à l’adolescence, le corps de la femme présente rarement des lignes harmonieuses ; la femme qui sera belle à seize ans, est souvent disgracieuse à quatorze. Pour traduire en marbre une femme de quatorze ans, il faut une habileté consommée, et surtout une grande hardiesse d’interprétation. Profondément pénétré de la nécessité d’obéir à cette condition, M. David a trouvé dans une fille de quatorze ans le sujet d’une composition exquise : il a corrigé sans violence la sécheresse et la maigreur de plusieurs parties de son modèle, et en même temps il a su conserver les lignes, encore indécises, du torse et des membres. Si cette statue, destinée au tombeau de Botzaris, était enfouie à vingt pieds de profondeur aux environs d’Athènes ou de Marseille, je suis sûr qu’elle tromperait la sagacité d’un antiquaire.

La statue de Gouvion Saint-Cyr, placée sur le tombeau du maréchal, est composée d’après les mêmes principes. Désormais il n’est plus permis de croire que le costume moderne résiste obstinément à tous les efforts du statuaire ; car M. David, sans omettre aucun élément de la réalité, a trouvé moyen d’unir la grandeur à l’élégance. S’il plaisait à l’administration de la liste civile d’ouvrir au public les portes du musée d’Angoulême, fermées depuis 1829, les partisans exclusifs de la draperie antique verraient dans les œuvres de la renaissance le parti que la statuaire peut tirer du costume moderne. Mais en attendant que ces élégantes figures du XVIe siècle nous soient rendues, nous pouvons étudier, dans la statue de Gouvion Saint-Cyr, l’art d’assouplir et d’ordonner les différentes parties du costume moderne. Personne n’ignore que le costume du XVIe siècle offre au ciseau bien plus de ressources que celui du XIXe. La statue de Gouvion Saint-Cyr est donc un argument sans réplique. Le procédé employé par M. David dans la représentation fidèle, mais hardie, du maréchal, consiste à respecter, mais en même temps à élargir les différentes parties du vêtement, de façon à trouver des plis abondans et des lignes heureuses. Grace à l’application de ce procédé, le maréchal offre à l’œil des masses bien distribuées, et son costume militaire que M. David a reproduit complè-