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Panthéon les grands hommes du XVIIIe siècle. Dans le système d’impartialité qui, selon moi, aurait dû régir toutes les parties du fronton, la présence de Fénelon n’aurait rien de singulier ; le parti adopté par M. David donne à l’évêque de Cambrai l’air d’un homme dépaysé. Malesherbes et Carnot sont à leur place.

La composition du fronton n’est donc pas précisément ce qu’elle devrait être. Non-seulement la partie droite n’est pas en harmonie avec la partie gauche ; mais la partie gauche elle-même n’est pas aussi claire qu’on pourrait le désirer. Il y a dans la réunion des hommes que M. David a groupés autour de la patrie reconnaissante quelque chose de fortuit. L’ordre selon lequel sont disposés les portraits pourrait être changé sans inconvénient, et même avec avantage. Ce défaut, qui frappera tous les esprits sérieux, se rencontre fréquemment chez les sculpteurs contemporains. La statuaire trouve si rarement l’occasion de représenter de grandes scènes, ou d’exprimer des idées complexes, qu’elle oublie peu à peu la science de la composition proprement dite. Livrée tout entière au soin de l’exécution, elle se trouble dès qu’il faut établir des relations logiques entre des figures nombreuses. Pour relier étroitement les diverses parties d’un fronton tel que celui du Panthéon, il faudrait que les grands travaux ne fussent pas un hasard, mais une habitude.

Nous connaissions depuis long-temps l’habileté merveilleuse avec laquelle M. David comprend et traduit la physionomie des hommes illustres ; les portraits sculptés sur le fronton du Panthéon soutiendront dignement la gloire qu’il s’est acquise par ses bustes si variés et si vrais. Nous croyons même pouvoir affirmer qu’il a traité les portraits du fronton avec plus de largeur et de liberté que les portraits, si justement admirés, de Bentham et de Châteaubriand. Les bustes de Goëthe et de Tieck, exécutés dans les mêmes proportions à peu près que les têtes du fronton, malgré la science que l’auteur y avait déployée, étaient loin de plaire à tous les hommes d’un goût exercé ; ces deux têtes gigantesques causaient plus d’étonnement que de plaisir. Les têtes du fronton placées sur les épaules de personnages complets ont peut-être une beauté plus simple, et n’étonnent personne. Je n’aime pas l’attitude de Bichat venant déposer sur l’autel de la Science son Traité de la vie et de la mort. La tête de Rousseau est pleine de grace et d’intelligence ; jamais l’auteur d’Émile n’a été représenté sous des traits plus harmonieux et plus purs. Mais peut-être M. David a-t-il eu tort de nous montrer Jean-Jacques adolescent tel que nous le connaissons par ses Confessions,