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LES MAÎTRES MOSAÏSTES.

la nouvelle compagnie viennent de s’assembler pour délibérer sur les statuts et sur les admissions.

— C’est possible, répondit Bartolomeo, cela m’importe assez peu, messer Bianchini, je ne suis pas un homme de plaisir.

— Mais vous êtes un homme d’honneur, et c’est pour cela que je me réjouis de ne vous avoir point vu au nombre des auditeurs de cette belle délibération.

— Que voulez dire ? s’écria le Bozza en s’arrêtant.

— Je veux dire, brave Bartolomeo, reprit Vincent, que si vous eussiez été là, les choses se seraient passées autrement, et qu’il y aurait eu peut-être un peu de bruit. Il vaut mieux, au reste, que tout se soit arrangé, car une affaire si puérile ne mérite pas…

— Allons, parlez, messer, je vous prie, dit Bozza avec impatience ; s’est-il passé là quelque chose qui intéresse mon honneur ?

— Eh ! eh ! non pas personnellement, peut-être ; mais c’est un affront collectif que vous avez reçu. Voici ce qui est arrivé : Vous savez que la nouvelle compagnie doit se former, à l’instar des autres joyeuses associations, de membres choisis dans diverses corporations, émules les unes des autres pour la richesse et le talent. Ainsi, dans celle-ci, on s’était promis de recevoir tous ceux de la corporation des verrotiers qui seraient assez riches et assez amis du plaisir pour vouloir être admis. Celle des architectes et celle des vitriers, celle des fondeurs et celle des travailleurs en mosaïque, enfln tous les états qui concourent aux travaux de la basilique devaient fournir leurs candidats. Cela posé, il ne s’agissait plus que d’enregistrer les noms de ces candidats, et les fondateurs, ayant à leur tête messer Valerio Zuccato, votre maître, se sont réunis tantôt à cet effet. Mais croiriez-vous que cet artiste, si renommé pour son agréable humeur et sa popularité, s’est montré plein de hauteur et de dédain à l’égard de la plupart des admissions proposées ? Oui vraiment, il s’est mis à trancher du gentilhomme et du sénateur ; il a déclaré que quiconque ne serait pas reçu maître dans une profession quelconque n’était pas digne de se réjouir en sa compagnie. On lui a fait beaucoup d’objections, et plusieurs se sont hasardés à dire que certains apprentis avaient plus d’économie et de talent, par conséquent plus d’argent et de mérite que leurs maîtres ; c’est ce qu’il n’a jamais voulu entendre, et il s’est exprimé en termes si vains et si durs, qu’il a blessé tout le monde. En ce moment je me trouvais près de lui sans qu’il me vît, et quelqu’un lui dit : Si vous l’emportiez, n’auriez-vous pas regret au Bozza, ce brave compagnon qui travaille si bien, qui a une si bonne con-