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principauté tout entière, sans la moindre intervention du gouvernement de Madrid, et ce plan s’exécute. Le succès est douteux, mais cette nouvelle résurrection de l’esprit provincial est à nos yeux un des plus graves symptômes de la désorganisation profonde qui s’étend rapidement sur l’Espagne, et menace la monarchie espagnole d’un démembrement.

À Madrid, on s’occupe à faire des ministres, et ces ministres ne font rien. Il en sera du général Espartero, s’il accepte le ministère de la guerre, comme de son prédécesseur, le comte d’Almodovar, qui avait fidèlement suivi à cet égard l’exemple de son devancier ; et le seul ministre qui se soit donné pour faire quelque chose, M. Mendizabal, vient de rompre une négociation d’emprunt à l’étranger, combinée avec un traité de commerce, qui sous une forme ou sous une autre, tantôt avec celui-ci et tantôt avec celui-là, l’absorbait depuis six grands mois. En dernier lieu, cette négociation se suivait avec un capitaliste espagnol, enrichi des emprunts de Ferdinand VII, dépouillé, par je ne sais quel acte de 1834, du titre que lui avait donné ce prince, et auquel, par un singulier jeu de la fortune, le gouvernement constitutionnel de Madrid venait demander le salut de la révolution espagnole. Il s’agissait d’une somme nominale de 250,000,000 de francs. Tout est rompu, et à cette occasion, nous n’avons pas été peu étonnés de voir un journal, dont M. Mendizabal avait long-temps possédé toute la faveur, attaquer ce ministre avec la plus grande violence. Ainsi, voilà le dernier prestige de ce grand nom financier de M. Mendizabal complètement évanoui, et le ministre au fameux secret, contraint de recourir, pour se procurer quelque argent, au moyen le plus vulgaire du monde, à une nouvelle contribution forcée. Les cortès discutaient, à Madrid, le projet de loi destiné à l’établir, pendant que les carlistes se rendaient maîtres de Ségovie.

Nous ne sommes pas optimistes en ce qui concerne l’Espagne ; mais personne ne l’est, personne n’a droit de l’être. Nous ne nous résignerions pas facilement à voir périr, dans l’impuissance et la honte, un gouvernement dont le triomphe convenait à notre politique et eût renforcé notre situation en Europe. D’ailleurs, tout persuadés que nous soyons que don Carlos ne s’établirait pas tranquillement à Madrid, nous ne pouvons envisager de sang-froid qu’il ressaisisse quelque chance de succès, quand on ne prévoit guère, dans les éventualités d’un prochain avenir, que cet obstacle sérieux à la grande et si politique mesure de la dissolution.

Si la dissolution avait lieu cette année en France, les trois plus grandes assemblées représentatives de l’Europe auraient été intégralement renouvelées dans le cours de la même année. L’Espagne se prépare aux élections d’où ses deux chambres doivent sortir, et l’Angleterre achève celles que la mort du roi Guillaume IV a rendues nécessaires. Celles-ci ne sont pas très heureuses pour le ministère de lord Melbourne ; sans donner la majorité aux tories, elles leur assurent une minorité si formidable dans la chambre des communes, que le cabinet whig est menacé des plus graves embarras et comme frappé d’impuissance. La chambre des lords pourra donc persister dans son opposition à toute mesure ultérieure de réforme, en invoquant la réaction qui se manifeste évidemment dans l’opinion publique, surtout en Angleterre. La conséquence de cette situation devrait être l’avénement d’un ministère intermédiaire entre les tories et la nuance très avancée des whigs qui gouverne aujourd’hui. Mais il n’est pas bien sûr que les élémens d’un