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Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 11.djvu/584

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REVUE DES DEUX MONDES.

va venir, et les colonettes au pied léger vont se répandre dans les airs. Toute cette église a un caractère solennel et imposant. Il y avait dans l’architecture byzantine un ton sévère qui répondait parfaitement à l’austère simplicité des premiers temps du christianisme. C’était pourtant l’art antique, l’art grec, mais tellement modifié, tellement dépouillé de son élégance, qu’il en était devenu méconnaissable. Le christianisme sentait qu’il pouvait avoir son architecture à lui, et il n’empruntait aux religions qui l’avaient précédé que l’élément primitif, l’élément absolu de l’art.

La cathédrale de Lund est bâtie, comme toutes les églises, en forme de croix : au milieu la grande nef avec ses lourds piliers, et de chaque côté deux nefs plus étroites et moins élevées. Au fond, le chœur, qui était autrefois séparé du reste de l’église, et où l’on arrive maintenant par un large escalier. En descendant sous cette plate-forme du chœur, on entre sous une nouvelle voûte, on se trouve dans une autre église. Elle est grande, mais peu élevée et sombre : c’était l’asile mystérieux, la chapelle souterraine réservée aux cérémonies funèbres. Le jour de la Toussaint, les prêtres y célébraient l’office de deuil. Ce jour-là, ils quittaient l’édifice ouvert au monde des vivans, ils descendaient sous cette catacombe comme pour se rapprocher des morts. Dans les temps de guerre civile, cette église servait aussi de refuge au troupeau craintif confié à la garde de l’évêque. Cinquante ans après la réformation, quand toute la Suède avait admis le dogme de Luther, le dogme romain vivait encore à Lund, les prêtres célébraient la messe dans cette église souterraine. Le catholicisme finissait comme il avait commencé, par se réfugier dans les tombeaux.

Ce monument précieux a été ravagé par un incendie. Un professeur de Lund, M. Brunius, a passé six années de sa vie à le réparer. Il s’était dévoué à cette œuvre d’art comme les architectes du moyen-âge, et il a si bien étudié le style de cet édifice, qu’on ne remarque nulle disparate entre son travail et celui des anciens maîtres[1].

Comme toutes les anciennes églises, celle de Lund a sa légende. Dans la chapelle souterraine, on aperçoit, d’un côté, un homme debout, embrassant avec force un des piliers ; de l’autre, une femme accroupie, tenant un enfant sur ses genoux et enlaçant une colonne comme pour la renverser. On raconte qu’un jour un géant de la Scanie, nommé Finn, vint trouver saint Laurent, et lui dit : « Je te bâtirai une magnifique église, à la condition, ou que tu sauras mon nom quand elle sera finie, ou que tu me donneras le soleil, la lune, ou les deux yeux de ta tête. » Le saint accepta. Finn se mit à l’œuvre, et c’était merveille de voir avec quelle force et quelle habileté il entassait pierre sur pierre. Déjà les murailles étaient achevées, déjà la voûte commençait à s’arrondir, et le saint ne savait pas encore le nom du géant. Il avait d’abord cru que c’était une chose facile de l’apprendre ; mais il eut beau le demander à tous les anges du paradis, à tous les prêtres et à

  1. M. Brunius a complété son œuvre en publiant une description très détaillée et très instructive de cette cathédrale : Beskrifning œfver Lunds Domkyrka.