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LES UNIVERSITÉS SUÉDOISES.

inscrit en caractères ineffaçables dans les annales de l’université, et tous les amis de la science doivent le prononcer avec vénération ; c’est le comte Gabriel de La Gardie. C’est lui qui a donné à l’université sa riche collection de livres rares, de manuscrits islandais. Il lui a donné l’Edda de Snorri Sturleson et le Codex argenteus. Pendant plusieurs siècles, le Codex argenteus resta oublié dans une bibliothèque de moines. À l’époque de la guerre de trente ans, il fut transporté à Prague et tomba entre les mains du feld-maréchal Kœnigsmark, qui le donna à la reine Christine. La reine, qui aurait probablement mieux aimé un livre latin, le donna à son bibliothécaire Isaac Vossius. Vossius l’emporta en Hollande, et en 1662 Puffendorf l’acheta au nom du comte de La Gardie pour une somme de 400 rix. b. (800 fr.). Le comte le fit revêtir d’une magnifique reliure en argent et le donna en 1669 à l’université.

Ce manuscrit renferme, comme on sait, les quatre Évangiles traduits par Ulphilas en langue meso-gothique. C’est un in-4o en parchemin violet. Le texte est écrit en lettres capitales d’argent, et les citations de l’Ancien Testament en lettres d’or. Les caractères ont été en partie effacés par le temps ; on ne les distingue qu’en tournant le livre au jour. Une colonnade à plein cintre orne le bas de chaque page. L’ouvrage est incomplet ; il commence au chapitre v de saint Mathieu, et finit à saint Jean, chapitre xix. Mais c’est le monument le plus ancien et le plus considérable qui nous reste de la langue meso-gothique[1]. La traduction fut faite au ive siècle, et ce manuscrit date du vie. J’ai vu, à Paris, un bibliographe se découvrir la tête et s’incliner respectueusement devant le Code théodosien, à la vente de la bibliothèque de Rosny ; si jamais ce bibliomane est venu à Upsal, il a dû se mettre à genoux, les mains jointes, devant le Codex argenteus.


X. Marmier.
Copenhague, 10 août 1837.
  1. Il existe à Wolfenbuttel un fragment des épîtres de saint Paul, publié par Knittel, 1 vol. in-4o. Wolfenbuttel (sans date) ;

    À Milan, dans la bibliothèque Ambrosienne, un autre fragment des épîtres de saint Paul et de l’Ancien Testament, publié, en 1819, par Maii et le comte Castillione, 1 vol. in-4o, Milan, et à Munich, en 1834, par le professeur Massmann ;

    Au Vatican, un fragment d’une homélie publiée par Maii, en 1833, dans le tome viii des Scriptorum veterum.

    Le manuscrit d’Upsal a été publié : 1o par Junius, à Dordrecht, 1665, 1 vol. in-4o, avec la traduction anglo-saxonne ; 2o par Stiernhielm, 1 vol. in-4o, Stockholm, 1671 (2e édition, j’ignore la date de la première), traduction latine, suédoise et irlandaise ; 3o par Benzelius, archevêque d’Upsal, 1 vol. in-4o, Oxford, 1750, avec la traduction latine.